Des écrits de Mr CORTES

A Montpensier , tout près de ma maison, on fabriquait de l’essence de géranium ,expédiée à Grasse ,destinée à entrer dans la composition de grands parfums……

Lorsque j’étais enfant, cette activité avait cessée, et j’étais intriguée par ce long hangar, toujours fermé, d’où sortaient des rails qui ne menaient nulle part, et par ces wagonnets rouillés abandonnés sur le terre-plein, et qui me servaient de terrain de jeu …………

Dans une lettre datée de mars 2010,Mr André Cortes , me donna l’explication

Madame,

……….les wagonnets et les rails qui se trouvaient auprès du grand bassin vous paraissaient « insolites ».(lorsque vous étiez enfant )

C’est qu’ils faisaient partie d’une distillerie de géraniums installée dans une construction située à l’extrémité du bassin.

Un « prédécesseur » à notre génération avait essayé en quelques « bancals » , la culture du géranium avec l’espoir de se développer dans le parfum.

Au plus fort de la floraison la plante est cueillie et soumise à température de vapeur d’eau, la faible densité de l’essence lui permet de se séparer de l’eau, à l’aide d’un serpentin………….

(Cette essence) se vend bien.

Quant à l’eau qui a servi de véhicule à la chaleur, elle a « bon rôle » car encore suffisamment chaude et odorante.

Elle est conduite à l’extérieur où les femmes et les enfants des environs en remplissent des récipients et l’emportent, heureuses chez elles pour leur plus grande satisfaction.

Les restes de la plante sont transportés en wagonnets au bout du terre-plein et des destinés à se convertir en bon terreau pour les jardins potagers.

Et « la bienvenue » odeur de cette plante plane encore durant quelques jours entre les humains.

Extrait d’une lettre de M. André Cortes


Racontez moi encore vous qui savez toujours,

Ces histoires de vie, ces histoires d’amour,

Que ces hommes et ces femmes ont vécu sur leur terre

En bâtissant leurs vies comme des murs de pierres.


Je sais de ce pays tant et si peu de choses

Qui me remontent au cœur, comme un parfum de roses.

De temps immémoriaux dans chaque atome de chair

Que j’aurais engrangées en respirant de l’air.


Il suffit que j’allume le phare de ma mémoire ,

Que je puisse aussitôt à la fois vivre et voir

La ligne de cyprès qui découpe le ciel,

Et les blanches cigognes claquant sous le soleil .


Le chemin qui s’enfonce vers les orangeries

Et le ruisseau en pierres portant l’eau de la vie .

Et les nèfles dorées , douces comme le miel,

Mangées sur une branche , au pays des merveilles .


Là, les âpres noyers flanqués de liserons ,

A coté du bassin , la rouille des wagons ,

Et l’odeur de la terre qu’arrosent les tombereaux

Lorsque l’on sort les chaises après les durs travaux .


Même la borne blanche, à l’angle de la rue ,

Posée sur le trottoir , dont je n’ai jamais su

Le pourquoi le comment, mais que je caressais

Comme une douce amie d’une main peu pressée


Lorsque je revenais d’une école lointaine .

C’était de mon royaume la marque d’entrée prochaine .

J’allais vers Ma maison , Mes arbres et Mes rêves ,

Les bras de Ma grand’mère, le baiser de ses lèvres .


Je laissais derrière moi la voûte des platanes ,

Colonnes végétales, cathédrale profane….

L’escalier de l’église, là où l’on priait Dieu

Qu’il puisse nous éviter d’aller sous d’autres cieux .

Tout au bord de la route , un énorme conduit ,

Les fleurs clochettes rouges , et la place qui suit…….


Tous ces murs et ces routes partant vers l’aventure

Portaient l’âme et l’empreinte de ces hommes qui furent .

Ils sentaient la sueur ,la peur et la souffrance ,

Et les heures de joie, l’amour et l’espérance .


Je ne les connais pas, tous ceux qui ont vécu ,

Mais je les porte en moi, mon âme en est fondue .

Je sais un peu leur nom , mais si peu leur histoire ,

A la fois seuls et tous unis de même gloire .


Alors dites-moi cela, comme cela vous vient.

Vous qui avez comme moi suivi les mêmes chemins .

Qui avez écouté et connu tous ces gens ,

Lorsque les vieux encore parlaient de ces vieux temps .


Le peintre voit les choses avec le bout des doigts

Et c’est avec les mots que le poète perçoit.

Et la trace qu’ils laissent est plus que description,

Mais ce n’est pas non plus pure imagination.


L’artiste voit le monde bien au-delà du monde

Et du temps qui s’écoule il passe le miroir

D’une autre dimension il entre dans la ronde ,

Emporté sous des cieux qu’il peut seul entrevoir .


Et puisqu’il semble un peu

Que nous soyons chanceux

d’avoir les mêmes yeux

Avant d’avoir tout dit ne disons pas adieu .



André Cortes