Le deuxième anniversaire des compagnons de la chanson de Blida

Dans quelques jours les compagnons de la route et de la chanson  vont célébrer le deuxième anniversaire de leur naissance. C’est encore l’enfance, certes, mais la vie d’un groupement artistique ne se mesure pas à l’échelle humaine. Ces deux ans ont été infiniment productifs et dépouillés  des balbutiements des premiers temps, bien que l’âge moyen des jeunes artistes qui compose celui dont nous avons dessein  de parler ne dépasse pas douze printemps. Cette jeune et si sympathique cohorte a gagné au cours de ses présentations d’incontestables et légitimes succès.

Il y a tant de bonne volonté chez les exécutants, tant de foi dans l’avenir chez les maîtres que la société blidéenne a déjà enfanté un produit d’une grande vitalité : la compagnie des troubadours que la télévision a déjà fait connaître en Algérie. Abderahmane Aziz fut une nourrice pléthorique et ses nourrissons répandent partout où on le leur demande la joie de vivre la gentillesse  et la gaieté. Leur mission est bilingue : les apostolats n’ont pas d’autre expression que le langage du cœur. Ils ont eu le rare privilège dès leurs premiers exploits de recevoir la consécration du succès en étant enregistrés par les microsillons Phillips.

Tout ce qu’ils chantent, jouent, miment est extrait du folklore algérien si riche et si pittoresque : ils ont là une mine inépuisable à travailler et ne s’en font pas faute. Nous avons entendu « Le porteur d’eau », une de leurs pièces maîtresses et un de leurs grands succès. Il ne s’agit pas d’une adaptation du « Marchand d’eau » de Jacques Debout mais bien d’une évocation de ce type bien algérien qui subsiste encore dans quelques localités de l’intérieur. Les jours de  (soul ??) l’homme à la clochette de cuivre et à la guerba suintante. Ils sont aussi passé maîtres dans l’imitation vocale d’instruments de musique arabe : ce numéro souvent bissé.

La comédie folklorique également à  l’honneur

 

En dehors de la chanson, la comédie folklorique est l’objet de leurs soins attentifs. Les sujets sont généralement pris dans des contes locaux humoristiques. Les personnages d e base sont Djeha, Aïcha la courtaude ; Alloune et le légendaire clown oriental Cagayous.

Un spectacle normal comprend le conteur, les Djeha avec marionnettes, Cagayous dans une pantomime.

Les ambitions de nos amis se hissent au delà de la télévision dont ils resteront pourtant de fidèles adeptes. Ils  viennent de terminer un beau film en couleur sous la direction de J.C.Carlus.

Ce qui rend la tâche des organisateurs, des initiateurs et des jeunes artistes plus méritoire encore qu’on peut le penser, c’est que tout est monté et réalisé avec des moyens d’infortune. Nulle aide ne leur est attribué autrement que les subsides provenant de parents et de quelques amis dévoués. Les pouvoirs publics s’honoreraient en aidant , même modestement   cette joyeuse et si saine cohorte. Tant d’argent est attribué à des fins moins efficaces que d’en distraire une partie à leur profit serait une œuvre pie.

Les méthodes de travail  s’inspirent des critères de Camus et autres : il est parfaitement dans la ligne. Mme Marcelle Blanchet l’a fort bien défini avec une compétence particulière. Les montages sont l’objet de tous les soins  et chaque personnage est étudié longuement en commun afin de le camper de la meilleure manière.

Les applaudissements  du public leur tiennent lieu , le plus souvent de trésorerie et de ce côté ils ont comblés. Ils ne nous ont pas révélé leurs difficultés mais on sent quand on pénètre un peu dans leur intimité , un désir d’être étayés, beaucoup plus pour faire mieux encore que pour faciliter le présent qu’ils maintiennent avec une touchante ingéniosité  car pour eux tout est  problème que la foi et la gaieté arrivent peu ou prou à solutionner.

Al Liar ( ?) et  AlHafnauoi qui sont les piliers de cette compagnie nous ont fait surtout part  de leurs projets d’avenir tout en faisant pudiquement  des soucis que nous n’ignorons pas , Ama Said qui les assiste va se perfectionner  dans l’art dramatique , seconde branche en formation prochainement qui prendra ses sources dans La Fontaine, Molière et Courteline.

 

Donner un peu de joie aux malades

 

Avant leur programme saison à la télévision, nos troubadours vont courir les hôpitaux afin d’apporter aux  malades  un peu de joie : ils le feront avec cette efficacité dont ils ont fait  montre au cours de la dernière fête de Chréa où devant les 250 enfants de l’aérium ils ont déployé une verve telle  qu’ils ont été ovationnés.

Nous les suivrons avec beaucoup d’attention car ils montrent une voie. On est d’autant plus incité à le faire  que leur réception est toujours empreinte d’une extrême politesse, jointe à une grande cordialité, ainsi qu’il est coutumier chez les gens qui se font un devoir  d’être dans la vie, la joie et la lumière.

 

Jean Verchin      -   Extrait du Journal d'Alger du 13 octobre 1961