LE TELL

Edition spéciale du 24 mai 1947 consacrée au collège Duveyrier

Article de Pierre-Jacques ARRESE

Cet exemplaire du Tell n'est plus tout à fait neuf, on s'en rend compte en regardant les photos de l'époque qui n'ont pas pu être restaurées mais seulement un peu éclaircies. Tous les textes ont été retapés pour les rendre plus faciles à lire et il ne manque qu'une ligne dans un des articles.

Une journée au collège Duveyrier de Blida

Il est de beaux spectacles de la nature qui élèvent l'âme et nous entraînent dans une douce rêverie ; il est des monuments historiques don't les formes curieuses ou simplement rabotées, limées, usées par le temps, sont de véritables muses inspiratrices pour le poète qui y découvre non seulement le sujet de ses poèmes, mais encore les décors où il aime à vivre et à donner la vie à ses chimères.

Il est aussi des édifices publics qui retiennent l'attention du passant et le passant s'arrête quelquefois pour les contempler, comme s'il attendait d'eux le récit de leur propre histoire.

Des hommes ont construit de leur main ces monuments inébranlables; d'autres ont vécu à l'ombre de ces pierres ; ils ont aimé, haï, souffert ; ils sont passés... les pierres, elles, sont demeurées et transmettent indéfiniment aux générations qui viennent le message des générations qui les précédaient dans le temps.

Quelle puissance d'évocation ces pierres ne possèdent-elles pas! Il suffit de les regarder pour se rappeler des souvenirs de jeunesse, des visages aimés, des faits insignifiants et revivre en rêve des moments que l'on croyait disparus à jamais.

Les monuments commémoratifs rappelant de grandes victoires ou des époques glorieuses ou des événements tragiques attirent nos regards et nous émeuvent; mais combien plus émouvante, plus vraie est la sensation que nous éprouvons à la vue de l'école où nous avons connu les premières joies, les premières peines, livrés à nous-mêmes, hors de la protection de nos parents. Chaque pierre semble avoir un mot à nous dire ; chaque fenêtre nous invite à jeter un regard à l'intérieur pour revoir ces pupitres d'écolier où nous nous sommes appliqués à faire nos premiers devoirs...

Il n'est plus très original pour un prosateur, encore moins pour un poète de constater que les vieilles pierres sont source de rêverie et nous entraînent à nous rappeler le passé. Il ne sera donc pas très original non plus de parler de la vie que mènent les écoliers et les pensionnaires entre ces murs bientôt centenaires. Mais ce soi-disant manque d'originalité nous empêchera-t-il de goûter le charme d'un retour sur le passé ?...

Que ceux qui ne redoutent pas la mélancolie qui se dégage inévitablement de l'évocation d'une époque disparue pour eux, nous suivent dans ce pèlerinage que nous accomplissons aujourd'hui au Collège Duveyrier, bâtiment dont Blida a le droit de s'enorgueillir.

Voici donc, pour vous, amis lecteurs : "Une journée au Collège Duveyrier de Blida". Ce reportage, écrit en toute simplicité, est dédié aux Anciens Elèves de cet établissement — qui y retrouveront l'atmosphère de classe du temps jadis — et aux jeunes élèves qui le fréquentent encore...

La rentrée de huit heures

« — Reprenons, fait-il, tu disais que les murs gardent de beaux secrets...

« — Oui, reprend l'autre, regarde ces pierres, les pierres de ce vieux Collège... Ne crois-tu pas qu'il serait très intéressant de les questionner si elles pouvaient répondre ? Sais-tu d'abord quel est leur âge ? quel est l'homme qui a donné l'idée de construire un tel édifice ?

« — En effet, de quoi écrire un assez long reportage ou peut-être même un conte. Le Collège doit être un véritable livre, dont chaque pierre pourrait être comparée à une page impérissable.

« — Il serait en effet amusant de le feuilleter ».

C'est pour ces deux jeunes que nous publions ci-dessous l'historique du Collège. Nous sommes certain qu'ils ne seront pas les seuls à prendre plaisir à le lire.

Mais la sonnerie vient de retentir. Les jeux s'arrêtent, les cris cessent, les conversations restent en suspens, sans conclusion. Il est 8 heures moins cinq. Les élèves lentement s'engouffrent par la petite porte ouverte dans la nouvelle aile du Collège.

Où l'on apprend ce que font les pensionnaires avant huit heures

Dans la cour, chacun prend un air sérieux. La cour, c'est la transition nécessaire entre la classe et le reste du monde. Il faut s'y préparer au travail. Certains y révisent même leur leçon...

La cour, c'est aussi l'endroit où ont lieu les premiers contacts entre les externes et les internes. Tenez, voici un groupe de pensionnaires qui ont assailli un externe et qui lui posent un tas de questions. Là, nous retrouvons les deux grands de tout à l'heure (appelons-les, si vous voulez, Nicolas et Henri) qui serrent la main d'un troisième personnage, curieux, pour le moins qu'on puisse en dire..

    Hello, fait Nicolas, comment vas-tu?

    Ecarlate le Potache ?

Ecarlate le Potache ? C'est le pensionnaire, mais l'un des seuls qui portent un sarrau. Et, chose particulière, il a des poches qui sont de véritables entrepôts : on y trouve à tout moment, des dattes, des figues, des noix, des amandes et Ecarlate est toujours en train de manger.

Ce qui explique son embonpoint et sa face rougeaude !...

Bonjour Nicolas, répond le mangeur tu veux une banane sèche, Henri ?

Henri répond négativement. Manger une banane sèche qui a séjourné dans une poche ? Pouah ! c'est bon pour un "potache", mais pas pour lui !

Tant pis pour toi, répond Ecarlate, c'est la dernière ! Alors, quelles sont les nouvelles du dehors ?...

Presque rien. Henri et moi avons passé un jeudi effroyable !

Oh ! pardon ! J'avais oublié de dire que nous assistions à la rentrée de vendredi. Hier, c'était jeudi ! Vous pensez combien on a de choses à se raconter un vendredi ! et comme les pensionnaires qui sont restés au "bahut" sont avides de poser des questions aux externes, comme si les réponses de ceux-ci leur apportaient un peu de l'air de la montagne, de la gaieté d'une surprise-partie ou du doux ennui des allées et venues sur le boulevard Trumelet (ça, c'est pour les Blidéens).

Presque rien ? explique-toi, que diable !

Il a plu, alors, nous sommes allés tout simplement au cinéma.

Quel film avez-vous vu ?

Oh! un film passable...

Lequel ?

Jim la Houlette !

Ignorant, s'exclame alors Ecarlate. Jim la Houlette un film passable. Ah ! si j'avais pu aller le voir à votre place. Jim la Houlette, avec Fernandel !... Vous auriez dû venir prendre ma place en retenue...

Bien sûr, Ecarlate a été collé. Pour quel motif ?... Essayez de trouver ?.. Allez !... Mais oui, vous avez deviné, parce qu'il a mangé des dattes en salle d'études et, chose impardonnable, qu'il a jeté les noyaux par terre.

Ah ! vos mères devraient bien vous mettra interne, quelque temps, pour que vous goûtiez mieux par la suite les amusements qu'elles vous offrent !...

Mais, demande Nicolas, la "boîte", c'est si peu intéressant que cela ?

-Oh ! je n'ai rien dit de semblable

- Mais quoi ?

On se lève trop tôt.

A quelle heure vous levez-vous ?

A six heures... bien sûr, il faut ça, mais je me levais beaucoup plus tard chez moi...

—— Moi, intervient Henri, ma mère me réveille à 7 h. 30 !

Flémard ! c'est pour cela que tu dors encore !... A la pension, nous nous levons à 6 h., nous avons une demi-heure pour nous habiller et nous laver le museau aux lavabos... Entre parenthèses, des lavabos très bien, propres, bien éclairés, tout et tout quoi !

Ecarlate a dit cela en rougissant un peu et en bombant le tarse, car il est fier de son "bahut". Oh ! bien sûr, il y a toujours des mécontents partout, mais il n'y a que les gens méchants pour ne pas reconnaître la vérité.

Et après, que faites-vous ?

Qu'est-ce qu'on fait ! Fine question ! On a étude parbleu ! Etude de 6h et demie à sept heures quinze !...

On ne vous donne pas de café ?

Non, mais il est malade celui-là ! Tu ne penses pas qu'on va nous laisser crever de faim, non plus ? Nous avons petit déjeuner, mon cher, de 7 h 15 à 7 h 30 et après récréation jusqu'à 8 h moins le quart.

Il doit faire froid en hiver, à cette heure-là, non ?

C'est facile, on se couvre et on court... et, en se dégourdissant les jambes, on se réveille et voilà ; ensuite, à 8 h. moins le quart, nous rentrons de nouveau en étude pour prendre nos affaires et puis nous en sortons pour dire bonjour à des imbéciles comme vous qui ne sont pas heureux d'avoir vu Jim la Houlette au cinéma... Vous voulez une datte ?

Ecarlate a sorti un paquet de dattes et le tend à Henri et Nicolas. Cette fois, nos deux externes ne refusent pas l'offre du potache, parce que le paquet n'a pas encore été entamé.

Mais soudain la sonnerie retentit, annonçant la rentrée. Nos trois grands se dirigent alors vers les escaliers qui conduisent au premier étage où ils doivent prendre, avec leurs camarades de philosophie, un cours d'histoire. Ah! ces escaliers ! nos trois grands n'en monteront jamais nulle part aussi aisément et aussi rapidement, car les petits, qui ont également leur classe au premier étage, ont peur d'arriver en retard et ils poussent, poussent tant et si bien que nos amis Henri, Nicolas et le Potache n'ont qu'à se laisser aller, se laisser porter même. Ils reçoivent bien de temps à autre un coup de pied dans les tibias, mais ils s'élèvent comme en un ascenseur, lentement et sûrement jusqu'au ciel... pardon ! jusqu'à la classe d'histoire.

Dans le bureau de Monsieur le principal

LAISSONS, si vous le voulez bien, nos trois héros avec un sympathique professeur d'histoire. Imaginons, pour être plus tranquilles, qu'ils ne seront point interrogés ni l'un, ni l'autre ; car un lundi, --surtout à la première heure--, la mémoire, vous savez, joue des tours qui peuvent coûter une colle pour le dimanche suivant. Eh bien, bonne matinée, Henri, Nicolas et Ecarlate : pendant que vous écrivez sur vos pupitres, nous allons vous fausser compagnie et demander à M. le Principal s'il veut bien nous recevoir.

La concierge nous fait entrer au parloir. C'est une vaste salle dont les quelques meubles sont d'un goût parfait. La première impression que les parents doivent avoir du Collège, s'ils commencent leur visite par le parloir doit être très bonne. Mais la concierge nous priant de la suivre, arrête là nos réflexions.

Nous sortons du parloir et nous retrouvant dans le hall d'entrée, nous y remarquons les stèles de marbre, que nous n'avions pas vues tout à l'heure, où sont gravés les noms des Anciens élèves et Fonctionnaires du Collège, morts pour la France. Nous suivons toujours le guide qui annonce :

Ici, vous êtes dans la Cour d'Honneur...

Une cour d'honneur très bien entretenue avec de grands arbres et des palmiers nains, des arbustes divers entourés d'une galerie couverte, sur lesquels nos regards se plaisent à se poser. A gauche, au fond du couloir, commandant l'aile principale de l'Etablissement, voici le bureau du Surveillant général.

Nous passons vite. Un bureau comme un autre, mais en ordre et propre.

Des escaliers nous conduisent au premier étage et la concierge nous laisse, ayant ouvert la porte du bureau du Principal.

M. PERILLIER nous tend la main et nous présente à M. GOUAUX, économe et à M. LE BLOND, surveillant général. Beaucoup de monde connaît M. PERILLIER pour l'avoir vu à toutes les manifestations locales. Mais nous avons fait vraiment connaissance avec lui, lors du bal organisé par les Philomath.

Ah, oui, nous dit en souriant M. PERILLIER, ce n'était pas mal. On s'y est amusé. Une ambiance chic et beaucoup d'entrain... de la jeunesse, beaucoup de jeunesse... même parmi les vieux, puisque moi-même ai pris plaisir à danser.

Vos élèves en ont d'ailleurs été très flattés.

Je crois en effet qu'ils ont été très contents de la réussite de ce bal. J'en ai été très heureux moi - même, j'aime tant mes élèves...

Quel est le nombre exact de vos élèves?

    165 internes, 44 demi-pensionnaires et 520 externes, soit un total de 729 élèves.

Monsieur PERILLIER aime bien aussi son Collège :

J'ai rarement vu un établissement si bien éclairé et aussi bien aéré que notre école, nous dit-il. Les Collèges de France où j'ai pu professer, sont austères. Ces bâtiments semblent être vieux de plusieurs siècles...

A propos, Monsieur le Principal, nous avons entendu tout à l'heure deux de vos élèves parler des secrets que cachent les pierres, peut-être pourriez-vous nous faire visiter des recoins de votre établissement que les externes ne connaissent pas ?..

    Vous êtes ici chez vous ?... Visitez, regardez, écoutez : nous n'avons rien à cacher.

HISTORIQUE DU COLLEGE

Description de l'Etablissement primitif

Le Collège de garçons de Blida a été construit en 1883 sur un ancien cimetière indigène, situé à proximité de la place principale de la ville. L'ensemble des bâtiments et des cours couvre une surface d'environ un hectare.

Au moment de l'inauguration (octobre 1884) par Monsieur le Gouverneur Général TIRMAN, Monsieur le Recteur JEANMAIRE et Monsieur le Maire MAUGUIN, il comprenait un bâtiment à un étage de 60 mètres de long, formant façade sur la rue Bizot.

Au rez-de-chaussée étaient aménagées des classes, des salles d'étude, l'appartement de la concierge, le parloir, tandis que l'étage était réservé aux appartements du Principal, de l'agent spécial et à la lingerie.

Perpendiculairement à la façade étaient construites deux ailes de 90 mètres de long à un étage également ; l'aile Est comprenait au rez-de-chaussée des salles de classes, des études, un réfectoire, les cuisines et leurs dépendances et au premier étage un dortoir, des chambres de surveillants et l'infirmerie. L'aile Ouest comportait au rez-de-chaussée des études, les classes de physique et histoire naturelle ainsi que les salles destinées aux appareils et collections scientifiques, tandis qu'au premier étage étaient aménagés deux dortoirs.

Les trois ailes étaient fermées par un mur de clôture parallèle aux bâtiments de la manutention militaire.

Au centre de ce rectangle, un bâtiment comprenant des salles de classe au rez-de-chaussée et une salle de dessin au premier étage, laissait libres la Cour d'Honneur et une cour de récréation.

L'établissement disposait en outre, à l'Ouest des bâtiments d'un terrain de 40 mètres sur 90 mètres où étaient aménagées trois cours de récréation, 2 d'entre elles portaient un auvent, destiné à abriter les élèves par mauvais temps.

Pour l'effectif de l'époque, les bâtiments étaient spacieux : les trois dortoirs pouvaient aisément abriter les 40 pensionnaires et les salles de classe et études étaient plus que suffisantes pour les 110 élèves qui peuplaient l'établissement.

Le Collège grandit...

A la tête du Collège, M. GUELPA, Principal, gérait l'internat à son compte ; il disposait d'un agent spécial logé dans l'établissement et d'un surveillant général qui était marié à la Directrice de l'E.P.S. de jeunes filles et qui, de ce fait, habitait en dehors du Collège.

En 1893, au moment du départ de M. GUELPA et de l'arrivée de M. LIER, l'effectif s'est légèrement accru ; le Collège compte 65 internes et un total de 140 élèves.


..............ligne manquante......................


entre le Principal et la Municipalité, celle-ci prend à son compte l'internat qu'elle gérera jusqu'en 1922 en détachant auprès du Principal un fonctionnaire municipal s'occupant de l'internat. C'est sous ce régime que M. LIER cède, en 1905, la place à M. GREGOIRE.

L'effectif a atteint à cette époque 85 pensionnaires et 250 élèves au total.

En 1910, le chiffre des pensionnaires s'élevant à 135 et le total des élèves atteignant 235, l'établissement s'avère trop petit; les trois dortoirs sont insuffisants et les salles de classe et études n'arrivent plus à contenir la population scolaire ; le réfectoire en outre est surpeuplé et des agrandissements s'imposent. On décide alors la construction d'une nouvelle aile à la place du mur de clôture parallèle aux bâtiments de la manutention.

Cette aile a deux étages ; au rez-de-chaussée est aménagé un établissement de douches, un réfectoire et 5 salles de classe, au premier étage, un dortoir de 40 mètres de long et ses dépendances, ainsi que des salles d'isolement pour les malades contagieux ; au deuxième étage une buanderie, un séchoir, la lingerie et ses dépendances, ainsi qu'un vaste entrepôt. Les locaux sont occupés dès qu'ils sont terminés.

L'effectif s'accroît encore, en 1913 il est de 340 élèves dont 145 internes, la guerre de 1914 arrive, un léger fléchissement se dessine ; le nombre des élèves tombe à 330 et celui des pensionnaires à 130, mais M. CALLOT qui succède à M. GREGOIRE, rétablira la situation et à son départ en 1917, il cédera à son successeur M. BRENET, un établissement comptant 445 élèves dont 155 pensionnaires.

M. BRENET verra, lui aussi, grossir ses effectifs et lorsque son successeur, M. MARILL arrive en 1920, le Collège de Blida compte 475 élèves et 160 pensionnaires.

Le Collège est enfin nationalisé...

A ce moment, une augmentation des tarifs de pension et de la rétribution collégiale provoque une diminution sensible des effectifs qui passent à 410 élèves dont 150 pensionnaires.

Deux ans plus tard, en 1922, la nationalisation du Collège est décidée. L'établissement devient "colonial", c'est-à-dire qu'il a une autonomie financière, comme les lycées, et la gestion de l'internat est confiée à un économe du cadre des lycées, M. PLOVERELLI. L'agent spécial en fonctions, M. THOUVENIN est maintenu dans l'établissement avec son traitement de l'époque ; il sera adjoint à l'économe et s occupera des écritures administratives. Sa situation ne sera réglée qu'en 1935

La domesticité engagée par la municipalité est maintenue en fonctions et les employés municipaux du Collège deviennent agents du Collège Colonial, avec les mêmes émoluments et les mêmes prérogatives que les agents des lycées. Le Collège Colonial reste un Collège, mais il a la même autonomie financière que les lycées.

Le Principal est déchargé de classe et il a un secrétaire pour le seconder.

Un Surveillant général certifié est nommé et un logement lui est aménagé au premier étage de la façade de la rue Bizot, dans les locaux occupés jadis par la lingerie.

M. MARILL, Principal, au moment de la nationalisation, restera en fonctions jusqu'en 1932, date à laquelle il sera remplacé par M. JACQUIN venant de Sétif.

Pendant le séjour de M. MARILL, l'effectif subit des fluctuations nombreuses ; il oscille entre 410 et 470 élèves et le nombre des pensionnaires se maintient entre 140 et 160.

L'établissement est assez vaste pour accueillir cette population scolaire et les demandes réitérées du Principal, pour obtenir l'agrandissement du Collège, ne sont pas prises en considération.

De nouveaux locaux s'ouvrent

En octobre 1932, à l'arrivée de M. JACQUIN l'effectif total est de 420 élèves, mais celui des pensionnaires est de 175.

Les dortoirs sont insuffisants.

Dès son arrivée, le nouveau Principal aménage un nouveau dortoir et ses dépendances, ainsi qu'un escalier d'accès, au deuxième étage de l'aile Sud, à la place de l'entrepôt à peu près inutilisé, faisant suite à la lingerie. Dès cette époque les travaux de grosses réparations, aménagements, constructions, seront à peu près ininterrompus. Des salles de manipulations seront aménagées, l'infirmerie sera agrandie, des lavabos seront installés le long des réfectoires, l'eau filtrée sera placée dans toutes les cours, la lingerie sera transformée, les salles de classe seront remises à neuf, les bibliothèques seront enrichies ; de nombreux appareils de physique viendront enrichir les collections ; une cinémathèque d'histoire naturelle sera créée ; les bureaux du Principal, du Surveillant général seront transformés ; les appartements du Principal, de l'Econome, du Surveillant général seront remis à neuf.

L'ordinaire des élèves sera amélioré, le nombre des agents sera augmenté, si bien qu'en 1933, l'effectif atteindra plus de 500.

L'établissement s'avère nettement trop petit. Des démarches pressantes sont faites par le Principal auprès des autorités académiques et du rapporteur général du budget, M. DUCLOS, et en 1935, un million est mis à la disposition du Collège pour son agrandissement. Les travaux, rapidement menés sont prêts au 1er janvier 1936.

On a construit une aile à un étage en prolongation de la façade de la rue Bizot et une aile à deux étages perpendiculaire à la précédente. On dispose ainsi de 12 salles de classe nouvelles, un dortoir et ses annexes, une salle de composition et un vaste préau.

En même temps des transformations étaient faites dans les anciens bâtiments. Des galeries étaient aménagées sur toute la longueur des bâtiments et permettaient de créer, à proximité des dortoirs, des locaux pour les lavabos, vestiaires et cordonneries. Des agrandissements allaient permettre de loger la population scolaire qui atteignait au moment de leur mise en service plus de 600 élèves dont 180 internes.

Les anciens bâtiments sont rajeunis

Tandis que les travaux d'agrandissement s'achevaient, des modifications étaient apportées dans les anciens bâtiments ; les études étaient agrandies et celles des grands étaient dotées de tables individuelles avec casiers. Les bureaux de l'économat qui étaient primitivement installés à l'étage dans des locaux sombres et exigus, descendaient au rez-de-chaussée.

Une salle des professeurs était aménagée, le parloir et le vestibule d'entrée remis à neuf, les toitures refaites, les cours remises en état, les dépendances des cuisines réfectionnées.

Les nouvelles salles s'ornaient de gravures et photographies, une salle de conférences et cinéma était aménagée et des appartements étaient construits pour loger l'adjoint d'économat et la lingère.

En quelques années le Collège de Blida subissait des transformations complètes qui lui permettaient d'accueillir dans des locaux vastes, bien éclairés et aérés la population scolaire d'année en année toujours plus nombreuse.

Avant l'arrivée du Principal actuel

Avant l'arrivée du Principal actuel, l'effectif atteignait 420 élèves dont 145 pensionnaires ; il était avant la guerre de 710 élèves dont 190 pensionnaires, ce qui classait le Collège de Blida au 3ième rang des Collèges de France et d'Algérie et dans le premier tiers des lycées de France.

Toutes les classes ont été doublées, voire même triplées, de sorte que l'effectif de chaque classe n'est pas exagéré, sauf pour les classes primaires.

(Communiqué par M. le Principal).

 

Les Cuisines, les Réfectoires et l'infirmerie

Mais la sortie de 11 h. vient de sonner. M. PERILLIER nous propose d'en profiter pour aller visiter l'infirmerie. Nous quittons donc le bureau du Principal et redescendant au rez-de-chaussée, nous voici de nouveau dans la Cour d'Honneur. Nous empruntons le couloir circulaire qui, longeant d'abord la Cour d'Honneur d'un côté et les salles de classe et d'études de l'autre, nous mène par un long escalier, aux cuisines et dépendances, au réfectoire des Grands et aux lavabos.

Une odeur de poisson frit me chatouille les narines et, malgré moi, je passe la tête par une fenêtre. Je viens de surprendre ainsi les cuisiniers, tout habillés de blanc qui s'affairent autour d'une immense cuisinière sur laquelle bouillonnent des marmites aux dimensions imposantes et peu communes.

Vous faites la bouillabaisse, demande-je ? On doit bien manger ici ?... Le chef-cuisinier est surpris :

Vous voulez dire qu'on mange très bien, me répond-il. L'économe, Monsieur GOUAUX, n'a nullement l'intention de faire mourir de faim nos pensionnaires... Regardez plutôt...

Il nous montre un tableau apposé au mur où nous lisons :

MENU du vendredi 23 Mai 1947

DEJEUNER : Café au lait.

DINER : Bouillabaisse, poisson au gratin, haricots bretonne, galettes maison.

SOUPER : Potage Dartois, omelette lyonnaise, pommes en ragoût, crème de patates.

Et ne croyez pas, insiste le "cuistot", que ce soit un menu spécial... voyez celui de demain...

MENU du samedi 24 Moi 1947

DEJEUNER : Café au lait.

DINER : Sardines à l'huile, biftecks sur pommes frites, purée Saint-Germain et croûtons, fruits.

SOUPER : Potage Crécy, hachis napolitain, courgettes sautées, fruits.

Inutile d'insister. Le pensionnaire le plus délicat ne se plaindra sûrement pas de la nourriture que lui donne le Collège. Mais je me laisse conduire par l'un des cuisiniers au réfectoire attenant aux cuisines. Là, je suis surpris par la netteté des assiettes de porcelaine, la propreté de la salle dont les murs sont décorés de tableaux représentant des scènes et des sites algériens. On doit prendre ses repas avec plaisir dans un réfectoire aussi bien entretenu que celui-là.

Mais, le temps presse, je quitte ces lieux où nous reviendrons dans un moment et, montant quatre à quatre les escaliers en bois, je surgis dans une sorte de laboratoire d'infirmerie où une infirmière prépare ses remèdes et ses seringues.

Vous arrivez bien, me dit-elle, je suis justement en plein travail : c'est l'heure, des soins.

Elle me conduit dans une salle, fortement éclairée, adjacente à la première; où attendent une quinzaine de pensionnaires.

Au premier de ces Messieurs, annonce-t-elle.

Un gamin s'avance, la bouche grand ouverte. L'infirmière avec une dextérité remarquable, badigeonne la gorge du patient qui ne semble pas le moins du monde impressionné.

Au deuxième !..

Cette fois, c'est un grand qui présente son pouce sur lequel pointe un mal blanc.

C'est très rapide, m'explique l'infirmière, ici je ne soigne que des petits bobos de rien. Le médecin, qui a son bureau au fond du couloir, près des chambres des contagieux, s'occupe des blessés plus sérieux... au troisième!...

Le troisième est un tout petit ; lui a besoin d'un peu de cacodylate ; il tend son bras nu et ferme les yeux ; parce que la vue de l'aiguille lui fait peur. Mais en quelques secondes la piqûre est faite et le gosse se retire en poussant un soupir de soulagement caractéristique.

La salle est bientôt vide et l'infirmière ayant mis ses pinces et seringues à désinfecter dans un récipient dont le contenu bouillonne, me conduit à l'infirmerie proprement dite, dans le dortoir commun.

Il y a peu de malades en ce moment, me dit-elle, vous en voyez ici trois, un grippé et deux autres qui ont une légère crise de paludisme. Parfois, nous avons à dorloter quelque jeune qui souffre de ne plus être près de ses parents. Mais ces sortes de crises sont courtes et n'arrivent qu'aux rentrées de vacances, car les pensionnaires s'aperçoivent vite qu'au Collège la vie est facile, s'ils en acceptent la discipline.

Je m'approche de l'un d'eux :

Comment vous trouvez-vous ici? lui demandai-je ?

Très bien, nous sommes très bien soignés et puis, l'infirmière est très gentille..

-Taisez-vous, plaisantin, fait celle-ci en bordant le lit du malade... Vous savez, me confie-t-elle, il est difficile d'être méchante avec des garnements qui n'ont pas leur mère pour les cajoler... Mais passons plutôt au solarium..

Le solarium est une petite salle meublée de quelques lits où l'on couche les malades graves ou les convalescents qui ont besoin d'air et de soleil. L'infirmière est très fière de ce solarium dont elle me fait remarquer les larges ouvertures par lesquelles pénètre une lumière intense, mais elle ajoute :

Je préfère voir cette salle vide, car je ne serais pas tranquille s'il y avait un "client" ici...

Il se fait tard. Je quitte cette infirmière, mère si attentionnée pour les malades et après lui avoir souhaité une "clientèle" moins nombreuse encore, je me dirige vers le réfectoire, juste au moment où la sonnerie de midi annonce l'heure du déjeuner

Le Repas de Midi

Quelques minutes plus tard, les pensionnaires arrivent deux par deux, sous la conduite de leurs surveillants, jusqu'aux lavabos. C'est dans un silence impressionnant, — comme ceux qui précèdent les grandes pertubations des foules ou de la nature — que tous ces jeunes se rincent les mains et se rangent, les plus jeunes devant le réfectoire des petits et les autres devant le réfectoire que nous avons visité tout à l'heure.

Mais ce silence et ce flegme apparent, vont-ils durer longtemps ? Je retrouve, dans les rangs, Ecarlate le Potache qui, à un signe de son voisin affamé, retourne d'un air digne ses poches vides :

J'ai mangé tous mes fruits, semble dire notre ami, ce n'est pas ma faute d'ailleurs, personne n'en a voulu jusqu'à cette heure. Je n'allais pas les laisser pourrir ! Tiens, comprenons-nous dans le geste qu'il fait en montrant de son doigt potelé sa joue plus grosse que l'autre, je termine la dernière figue...

Mais le silence se fait de plus en plus impressionnant. Alors, un surveillant claque une première fois des mains. Une dizaine de jeunes — les chefs de table — se précipitent dans le réfectoire pour vérifier si rien ne manque. Puis, au deuxième signal du surveillant, c'est un véritable envol de moineaux, une bousculade dans la porte et, pour terminer, l'assaut des tables. Chacun ayant gagné, sa place et étant debout devant son assiette le "pion" commande le silence, puis, ayant claqué des mains une troisième fois, un bruit infernal suit, provoqué par une soixantaine de chaises que l'on bouscule.

Enfin, on n'entend plus que le tintement des fourchettes et des cuillers, la cacophonie des différents ustensiles qui se rencontrent, tout cela noyé dans un murmure grandissant, car les langues et les mâchoires vont bon train, ...avec la permission du maître d'internat.

Que croyez-vous que notre ami Ecarlate fasse en ce moment, lui qui a mangé tant de figues, de dattes et autres fruits, pendant toute la matinée ? Je vous le donne en mille... eh bien ! tout simplement il avale, après la sienne, la soupe que son voisin lui laisse comme chaque jour, contre les quelques noix du dessert que contiennent ses poches.

Mais laissons nos sympathiques potaches manger à leur faim et se délier la langue et rattrapons Henri et Nicolas — vous vous rappelez ? C'est le nom des grands avec qui nous avions fait connaissance à 8 h, ce matin. — Ils descendent le boulevard à grandes enjambées sans doute pour les mêmes raisons que moi, c'est-à-dire pour ne pas arriver trop en retard au déjeuner...

Tu as vu, dit le premier à l'autre, au moment où je vais les dépasser, Ecarlate a un gros appétit, il mange toute la journée !..

Tu veux dire, répond l'autre, qu'étant pensionnaire, il ne doit pas manger autre chose que les gâteries que lui envoient ses parents...

Je me retourne et ne peux m'empêcher de leur crier

Allez-y voir... il mange même la soupe de son voisin !..

Un après midi au collège

Il fait bon sous les arbres...

Je retrouve cet après-midi Nicolas et Henri qui, assis sur un banc du jardin Bizot, à l'ombre des grands arbres en fleurs, attendent la sonnerie de la rentrée de deux heures. Il fait chaud et le ciel, avec son bleu profond, le calme de l'endroit et les parfums mêlés qui se dégagent de cette nature sommeillant sous les rayons verticaux, ne sont pas faits pour encourager nos amis à étudier la leçon de physique. Ils ont bien leur livre ouvert, mais Henri le porte sur la tête en guise de canotier et Nicolas s'en est fait un éventail.

« — Sais-tu, dit le premier, sais-tu que la vie de potache doit être rudement difficile ?

« — Oit !.. Mais pourquoi me dis-tu cela ?

« — Parce que je me demande ce qu'ils doivent bien faire après avoir pris leur repas de midi ?

« — Pas grand chose !répond Nicolas, à midi et demi, ils se lèvent de table, quittent le réfectoire et déambulent dans la cour jusqu'à une heure et demie.

« — Tu avoueras que lorsqu'il fait très chaud ou très froid, cette récréation ne doit pas être amusante.

« — Oui bien sûr, à cette heure-là, moi j'étais allongé dans un fauteuil à l'écoute d'une émission radiophonique... « — Et après, qu'ont-ils ? « — Ils retournent en étude réviser leurs leçons, préparer leurs affaires et... tiens, ça sonne, levons-nous... Et, à deux heures, c'est de nouveau le "boulot" !

La salle de physique

Rassurez-vous, nous n'allons pas vous contraindre à lire une description longue et ennuyeuse. Nous allons simplement accompagner nos deux amis et les quitter dès que le professeur commencera son cours.

Nous voici donc au bas des larges escaliers qui conduisent aux classes de physique et chimie. Nous nous cachons derrière le groupe d'élèves de philosophie. Nicolas, Henri et Ecarlate s'y sont retrouvés :

« — Une figue ? propose le potache.

« — Merci, répondent les deux autre» en même temps.

« — Vous savez votre leçon ? »

Silence. Silence expressif s'il en est !.. Mais voici le professeur :

« — Entrez !».

Nous passons la porte qui ouvre sur un couloir qui sert de préparatoire et de salle de manipulation. Une table de maçonnerie, recouverte de carreaux blancs, longe les larges baies vitrées à gauche. C'est là m'explique Nicolas, que l'on manipule éprouvettes, ballons cornues, instruments divers, employés en chimie et physique. Ces instruments se trouvent dans une petite salle à droite, tandis que les produits, acides, minéraux, liqueurs de toutes natures se trouvent dans des placards placés sur le côté droit du couloir. Tout est propre net et il y a tant et tant de choses dans ses armoires vitrées que l'on a envie de prendre un récipient quelconque pour tenter de découvrir l'or synthétique ou fabriquer quelque pierre philosophale... faire en quelque sorte de la chimie ou de la physique...

Les élèves se sont arrêtés devant une porte et se sont rangés par deux, en attendant l'ordre du professeur.

« — Entrez !».

Nous pouvons nous faufiler encore dans la salle de classe. Ah ! mais nous n'avons rien vu de semblable dans tout l'établissement. Ici pas de murs blanchis à la chaux, mais peints en vert ; pas de pupitres d'écoliers à deux places, mais de larges tables, où cinq à six élèves peuvent s'installer commodément. Le professeur n'a pas une chaire, mais une sorte de long établi sur quoi sont posés divers instruments intrigants qui rendent curieux de les connaître, l'élève à l'esprit le moins ouvert.

Mais le professeur vient de nous découvrir en comptant ses élèves et nous sommes obligés de quitter cette salle d'études sympathique.

La salle de dessin

Ne nous décourageons pourtant pas pour si peu. Prenons un escalier au hasard et montons au premier étage. Par un dédale de couloirs silencieux, nous arrivons sans encombre devant une porte fermée.

Qu'y a-t-il derrière cette porte? Est-ce que la vue d'une porte fermée ne vous donne pas envie de l'ouvrir pour découvrir ce qu'il y a derrière. Eh bien, soit, advienne que pourra, frappons et entrons !.. Nous avons fait une gaffe : nous nous trouvons dans une salle occupée par des élèves qui, tous ensemble se sont retournés de notre côté... ils sont curieux eux aussi! Armons-nous de courage et présentons-nous au professeur.

Vous êtes ici dans la salle de dessin », nous dit-il.

Et voilà, nous aurons vu encore cela. La salle de dessin? On ne pouvait s'y tromper. La lumière du jour pénètre à grands flots par un plafond de verre et par les larges ouvertures des murs, éclairant les pupitres sur lesquels de jeunes élèves s'appliquent à reproduire la pose d'un sujet vivant assis sur un haut tabouret devant eux. Au fond de la salle, dans une armoire très longue, nous avons une véritable galerie de portraits en plâtre qui serviront de modèles et différents autres sujets.

Une leçon d'éducation physique

Nous quittons bientôt le professeur qui nous a expliqué ses méthodes et montré quelques dessins qui sont déjà de petits chefs-d'œuvre et nous reprenons les couloirs frais et sombres. Nous nous trouvons bientôt dans la cour principale que nous avions déjà vue ce matin en entrant. Là, nous allons assister à une séance d'éducation physique.

Le moniteur et les élèves, torse nu, s'ébattent ensemble. Les vagues se succèdent, sur le plateau, à une cadence accélérée. Tous les exercices sont exécutés avec gaieté par tous ces jeunes qui deviendront peut-être bientôt... qui sait ?.. de véritables athlètes.

Dans la cour du haut, un autre moniteur s'occupe d'enfants plus jeunes et je crois reconnaître Robert, Christian et Jean qui torse nu, comme tout le monde, courent en rond. Un coup de sifflet, le moniteur rassemble les élèves et leur explique un jeu. Cris de joie! Rires!

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« — Chic, on va s'amuser!»

Les élèves séparés en trois groupes, s'alignent les uns derrière les autres, jambes écartées et, au signal donné par le moniteur, le dernier de chaque série doit passer sous le tunnel. Voilà bientôt que le tour de Jean arrive. Rapide comme une flèche, il est à peine parti qu'il est arrivé à l'autre bout ; Robert, après lui. Fait un temps record... tout le monde crie! si Christian se débrouille bien c'est leur colonne qui gagnera... Et voilà Christian qui s'engage a son tour... Ah! mais vous n'avez pas oublié j'espère, qu'il est "un peu" gras !.. son postérieur le gène et passe tout juste... Il va vite ça marchera bien... il gagnera !.. il va encore plus vite, mais, ce qui devait arriver, arrive : juste au bout, il faut passer sous un camarade tout petit, aux jambes courtes... avec la vitesse qu'il a acquise, Christian heurte le camarade qui, en tombant, entraîne son voisin de devant qui s'écroule également, tous deux sur Christian et... le tunnel est bouché... la colonne de nos trois héros ne gagnera pas. Mais tout le monde aura bien ri.

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Avant de quitter le collège

La séance d'éducation physique est terminée. Nous quittons le Collège à regret, avec les chants d'adieu qu'entonnent tous ces jeunes avant de se séparer. Nous avons vécu au milieu d'eux, dans ces salles de classe austères, mais propres et pleines de lumière, dans ses cours où nous-mêmes avons joué. Nous avons respiré cette atmosphère d'école qui nous pesait tant sur les épaules lorsque nous étions obligés d'y vivre et que nous regrettons pourtant...

Combien sommes-nous à regretter ce passé ? Des noms se présentent à mon esprit... des silhouettes apparaissent un peu vieillies... d'autres sont encore jeunes, mais les noms qui s'y attachent sont inscrits aujourd'hui sur les dalles froides de quelque cimetière lointain ou sur les stèles d'un monument aux morts...

Les heures passent, minuit sonne... pendant que nos jeunes amis dorment dans leur dortoir, dont le silence est troublé peut-être par les ronflements d'Ecarlate le Potache, relisons ces phrases que M. JAHIER prononça lors d'un banquet de l'Amicale des Anciens Elèves du Collège :

"Vous avez revu avec vos yeux et touché de vos mains le coin de table où vous avez pâli sur des problèmes ou des versions. Vous avez revu le pilier derrière lequel il était si bon de fumer une cigarette en cachette... Les salles de classe vous ont rappelé les maîtres que vous y avez longtemps écoutés. Et voici que passe devant vos yeux la fresque émouvante de ceux que nous avons connus dans les couloirs ou sur ces chaises et qui ne sont plus... Ce que vous avez encore revu aux tournants de ces couloirs, ce sont les camarades d'alors : grands gosses, dégingandés, boutonneux et hâbleurs... Pour beaucoup d'entre vous, cette évocation s'étend encore à une mère qui aimait si fièrement son petit collégien ; à un père qui ne recevait pas avec plaisir les plis confidentiels... Tout ce passé n'a rien de funèbre dans ce décor : c'est une tranche de vie avec ses joies et ses peines, au-dessus desquelles se dressent resplendissantes les deux refuges de l'âme humaine : la famille et l'étude...

Recommandons, pour terminer, à tous ces jeunes gens qui fréquentent aujourd'hui le Collège, à tous ceux qui le fréquenteront plus tard, de ne pas être trop impatients de quitter ces bancs, ces cours et ces dortoirs... Car ce sont là des choses qu'on n'oublie jamais, comme le plus tendre souvenir et qu'on se remémore toujours avec mélancolie...

 

Qu'est-ce que l'Association des Anciens du Collège?

La presse annonce que les Anciens Elèves du Collège de Blida organiseront leur banquet annuel, le 25 mai. M. René SALLES, actuellement vice-président de leur Association, a bien voulu nous donner tous les renseignements que nous désirions et qui nous ont été d'un précieux secours pour notre reportage, nous l'en remercions à nouveau ici-même. M. SALLES nous a également procuré le texte ci-dessous de la première notice de l'A.A.E.C.B. qui nous éclairera, mieux que tout discours, sur les statuts de cette Association :

L'Association des Anciens Elèves du Collège de Blida, association déclarée conformément à la loi du 1er juillet 1901, a été fondée sur l'initiative du Docteur JAHIER Henri, fils du Professeur honoraire, M. JAHIER, dont tous les anciens élèves ont conservé le souvenir.

Un bureau provisoire, réuni le 14 mars 1937, jeta les bases de l'Association et rédigea les statuts. Ce bureau provisoire était composé comme suit : Président : FAURE Julien, syndic de faillite à Blida. Secrétaire général : SALLES René, inspecteur de l'Enregistrement à Alger, en résidence à Blida.

Secrétaire adjoint : MASCHERPA Aimé, commerçant à Blida.

Trésorier général : MARTIN Marc, contrôleur principal des Contributions directes à Blida.

Trésorier adjoint : KASSOUL Hamid, répétiteur à Blida.

Assesseurs (pour Blida) : AUZOLLE Edmond, BOU-DJAKDJI Abdeltif, TEXIER Gabriel, BONELLO Georges, BENSAID Raoul, ARLANDIS Joseph, Docteur BENSIMON Eydney, LEBLOND Maurice.

(Pour Alger) : CHAPUS Emile, FERRARI Marcel, DARDENNE Henri, JAHIER Henri, BENET Henri, DUPRAT Raoul, Docteur BULLINGER Armand, SALLES Albert.

La première assemblée générale annuelle eut lieu au Collège, le dimanche 16 mai 1937.

L'assemblée générale, après avoir approuvé les statuts, confirma le bureau provisoire dans ses fonctions, avec les modifications, suivantes :

Le Docteur JAHIER Henri est élu président de l'Association, à l'unanimité ,

MM. FAURE Julien; pour Blida, et MARCHAND, Jacques, contrôleur principal des Contributions directes, pour Alger, sont élus vice-présidents.

M. LEBLOND, devant prochainement quitter Blida, résigne ses fonctions. MM ESCOUTE Maurice, MASCHERPA Baptiste et MAUREL Maurice, étrangers au bureau, sont chargés des fonctions de commissaires aux comptes.

L'association compte actuellement (1ier octobre 1937) plus de 200 membres, dont 4 à vie ayant vers la cotisation de 200 francs.

Ce premier noyau s'accroît tous les jours, au fur et à mesure que peuvent être touchés les camarades que leurs fonctions ont éloignés de Blida, berceau de leurs études.

Chaque année, et pour la première fois en 1938, le dimanche de Pentecôte, aura lieu, dans un réfectoire du Collège, un grand banquet amical, préparé par le chef cuisinier, et servi par les garçons dont plusieurs sont encore ceux dont nous avons gardé le souvenir.

Ce sera pour les anciens camarades aujourd'hui dispersés, une occasion charmante de se retrouver dans l'ambiance d'autrefois, de revivre dans une chaude atmosphère de sympathie les heures du "bahut", et d'oublier, dans une journée de printemps où Blida embaume et refleurit, les soucis et les divisions du temps présent.

Car, et c'est là une chose qui suffirait presque à elle seule, à légitimer l'Association et à fournir sa raison d'être... "Toute discussion politique ou religieuse est formellement interdite au sein du groupement". (Art. 27 des statuts).

Mais une Association puissante comme la nôtre, doit avoir d'autres buts, dictés par des soucis d'altruisme, de générosité et d'entraide.

L'article 11 des statuts prévoit qu'il sera offert chaque année, dans toutes les classes, un ou plusieurs prix d'honneur. Le même article stipule que des Bourses pourront être attribuées aux élèves méritants, sur les propositions du Principal, et de préférence aux fils et petits-fils des membres de l'Association.

Enfin l'article 16 traite des prêts d'honneur qui pourront être consentis, sur les excédents des recettes annuelles, aux camarades dans le besoin ou à leurs veuves ou orphelins, à titre d'avance remboursable.

Ainsi s'est constitué, tardivement, au gré de certains camarades, mais sur des assises solides, dans les murs du vieux Collège qui gardent l'empreinte de nos années d'enfance et d'adolescence, une Association vivante et prospère, sous le signe de l'union et de l'amitié.

Est-il besoin de commenter un texte comme celui-là ? Jeune Collégien, si ta classe était vraiment une prison, crois-tu que tous ceux qui y ont passé une partie de leur jeunesse, prendraient plaisir à se remémorer cette époque, comme l'une des plus heureuses de leur vie?