Le Bois Sacré

 

 

Trois chemins conduisent au Bois sacré dénommé aussi Jardin des Oliviers: 1° l'avenue Bizot, du nom du général tué à Sébastopol; nous avons déjà relevé le Jardin Bizot: c'est peut être beaucoup d'honneur pour un seul  homme même célèbre! 2° le boulevard Bonnie, nom d'un colonel massacré au Soudan avec sa colonne. Entre ces deux voies l'avenue du Bois Sacré connue sous le nom d'allée des veuves.

C'est ce dernier chemin qui, seul, desservait autrefois le Bois Sacré que les arbres dénommait les Zeuboudj (oliviers sauvages) de Sidi Yakoub du nom du marabout qui y est inhumé.

Ce bois qui servait de cimetière aux restes du saint homme a une légende que le colonel Trumelet a décrite avec humour et longuement dans son ouvrage intitulé Blida; nous allons la résumer: " Sidi Yakoub, dit Cherif, appartenait à une famille de  cheurfa marocains (nobles de la descendance du prophète). Il quitta le Maroc avec une escorte afin d'accomplir le pèlerinage de la Mecque; à son passage à Blida, il établit son bivouac dans une grande prairie sans arbre.

"Après un repos de quelques jours, il continua son voyage et à son retour, par le même itinéraire il fut surpris de constater qu'à la place de la prairie, un peu trop ensoleillée où il avait campé à Blida, se trouvait un joli bois d'oliviers très touffus: le Bois Sacré actuel. Allah pour le récompenser de sa piété, avait fait pousser, en un rien de temps tous les piquets des tentes et des animaux qui étaient devenus de superbes oliviers.

"Sidi Yakoub eut une entrevue avec Sidi-Kebir, le saint de Blida, et la mort vint le surprendre subitement. Dans la nuit une Kouba - celle où il repose- fut mystérieusement, car ce ne fut qu'à l'aurore qu'on constata sa construction sans qu'on ait relevé la présence d'aucun maçon. Allah par cette édification magique indiquait bien personnellement que c'était là que Sidi Yakoub devait être enterré; et il le fut. Son tombeau est un point de pèlerinage très suivi par les musulmans de la région."

Le Bois Sacré à Blida

De nombreux combats eurent lieu avant 1840 dans ce bois ou sur sa lisière et de nombreux oliviers en témoignent par les trous d'incrustation dans leurs troncs faits par les balles; traces qui se voient encore de nos jours.

L'occupation française laissa disparaître, une à une les tombes de ce cimetière et si le Bois Sacré devint un parc où furent placés quelques bancs pour les promeneurs.

En 1860,  en vue de la visite que l'empereur Napoléon III devait faire à Blida un kiosque en forme de kouba fut édifié dans ce bois; on le voit à proximité du local de Blida-Gymnaste. cette kouba était surmonté d'un sigle impérial en marbre aux ailes déployées.

L'empereur qui, accompagné de l'impératrice Eugénie, avait débarqué à Alger, le 17 septembre 1860, consacra la première journée à l'inauguration du boulevard, à des réceptions, fantasias et promenades aux environs de la Capitale. Mais le 20, les souverains furent rappelés brusquement en France par la mort de la duchesse d'Albe, sœur de l'impératrice.
Il s'en suivit que le kiosque-kouba sous lequel l'Empereur devait recevoir les autorités et les indigènes ne servit jamais.

En effet, lorsque l'empereur vint à Blida le 11 mai 1865, il fut reçu à la porte El-Sebt sous une tente luxueuse; il visita les rues et places, se rendit à l'église et au dépôt de Remonte où il assista à un défilé d'étalons et continua son voyage sur le Ruisseau des singes et Médéa; il ne vit jamais son kiosque-kouba.

Lors de la chute de l'Empire, le 4 septembre 1870, un farouche anti-bonapartiste, abattit l'aigle impérial en marbre qui surmontait le kiosque.

Et à ce propos, lorsque l'Empereur passa à Blida en 1865, un autre anti-bonapartiste, le pharmacien X..., qui avait son officine rue Abdallah, protesta d'une façon  inédite en plaçant devant sa pharmacie une hampe à laquelle pendait au lieu d'un drapeau une grosse seringue à chevalet un bouquet remplaçait en haut de la hampe, l'aigle impérial.

Le commissaire de police fortement ému, vint lui intimer l'ordre de retirer cette décoration factieuse, mais le pharmacien lui répondit qu'il était libre de placer devant son officine une enseigne de sa profession et qu'il ne l'enlèverait Pas.

Devant cette insistance le Commissaire de police en référa au Sous Préfet M De Chancel, qui eut le bon esprit de conseiller à son subordonné de paraître n'avoir rien vu afin de ne donner aucune valeur à cette manifestation dans une rue où le souverain ne devait pas passer. Et c'est ce qui fut fait.

Nous avons vu que le Bois Sacré ancien cimetière musulman avait été transformé en parc.

C'est en 1865, avant la venue de l'Empereur, que  le maire, M. Borély-la-Sapie en fit un jardin public; de nombreux parterres furent dessinés et garnis de plantes. Mais aujourd'hui une partie seulement du jardin subsiste; le reste est devenu un parc.

Près du bassin où fonctionnaient les grandes eaux, il y avait un rond point où les musique militaires jouaient alternativement les jeudis et dimanches; celle du 1ier Tirailleurs et la musique-fanfare du 1ier Chasseurs d'Afrique. Au milieu de ce rond-point a été placé un  arbre pleureur qui empêche aujourd'hui tout groupement de musique.

De nombreuses chaises  y étaient placées à cette époque en location, ce que les familles appréciaient beaucoup.
Les noubas du 1ier  Tirailleurs qui furent créées en 1876 s'y firent quelquefois entendre et on écoutait, avec curiosité un morceau que la nouba des réguliers de l4emir Abd-el-Kader jouait en face de nos lignes et qu'un ancien officier de ce corps avait appris à nos tirailleurs.

Ce fut le commandant Boussard du 1ier Tirailleurs, devenu plus tard général, qui créa à Aumale la première nouba. Ces musiques arabes composées de  teubel (grosses caisses) et raïta 'sorte de clarinette) eurent un grand succès, surtout pour le recrutement des engagés volontaires.

Lors de sa venue à Blida, le 17 avril 1905, du roi d'Angleterre Edouard VII et de la reine Alexandra, la nouba du  1ier Tirailleurs donna une audition sur la place d'Armes pendant que les souverains déjeunaient à l'hôtel d'Orient; la reine, au premier morceau, quitta la table et se mit au balcon afin de la voir. En présence de l'intérêt qu'elle porta à ses noubistes, le colonel Bonnet du 1ier Tirailleurs fit don à la reine d'un teubel et d'une raïta.

Et puisque nous relatons ce cadeau, ajoutons que la souveraine fut charmée en entendant le chant d'un canari qui se trouvait dans la volière de l'hôtel et par une attention délicate des hôteliers, Mme et M Augustin, le remarquable chanteur fut placé dans une cage et remis à la reine qui le fit transporter ainsi que le teubel et la raïta sur le yacht royal Victoria and Albert  qui était à l'ancre dans le port d'Alger.

Quelques uns des oliviers séculaires furent malheureusement sacrifiés pour former à l'ouest une pépinière don't la moitié de la surface fut plus tard mise gracieusement par la commune (M.Mauguin, maire) à la disposition des officiers de la garnison, afin d'y installer un tennis.

Une autre partie aussi subit l'abattage de quelques oliviers pour la construction du local de Blida-gymnaste, jolie construction de style Mauresque, due à son actif président d'alors, le regretté M.Guisoni.

Il fut un moment question de prolonger le boulevard Bonnier jusqu'à l'avenue Bizot à travers le Bois Sacré;  de déplorables disparitions de zenboudj séculaires s'en seraient suivies; ce projet a été abandonné et que Blida s'en félicite!

 

 

 

 

 

Commandant ROCAS