Un compatriote, Pierre COLOMBIER,  né à BLIDA, ayant vécu à Sétif et actuellement résidant aux ETATS UNIS  a imaginé ce petit conte  en y mêlant quelques  souvenirs familiaux.  Il a bien voulu nous en faire profiter.

 

C'étaient deux frères, des américains, Roy et Walter. Avant la guerre de 1939, ils écrivaient des histoires pour gosses avec des bandes dessinées. Pendant la guerre, le gouvernement américain les envoya en Amérique du Sud pour représenter les USA. Puis ils se retrouvèrent en Europe assignés dans une division dont l'activité était de distraire les troupes au repos ou même près des premières lignes. Eventuellement, ils furent séparés et ne se retrouvèrent que quelques années plus tard. Roy décida de rentrer aux USA alors que Walter décida défaire un voyage en Afrique du Nord, espérant trouver des idées nouvelles pour ses contes et dessins. Il passa donc quelques jours à  Alger puis décida de se diriger vers Oran puis Casablanca au Maroc.

Le service des chemins de fer à l'époque était loin d'être idéal, Walter acheta donc une voiture d'occasion car Hertz n'existait pas à l'époque, tout au moins en Algérie. Ayant donc trouvé une Peugeot 201, il s'élance vers l'ouest. Il passa Beni-Méred, puis Boufarik où la Peugeot commença à bafouiller un peu. Continuant maigre tout ,la voiture était toutefois de moins en moins d'accord, se comportant de façon de plus en plus anormal, toussant, crachant. Bref, elle décida de s'arrêter totalement au croisement de deux rues importantes, le Boulevard Bonnier et l'Avenue de la Gare en plein milieu de Blida !

Walter n'étant pas particulièrement intéressé (ni doué) pour la mécanique se trouva donc dans l'obligation de chercher un garage qui pourrait remettre sa Rossinante en état de marche. La chose ne s'avéra pas facile car c'était un dimanche et Walter était au courant de la mentalité française en ce qui concerne le travail un jour férié... Walter décida donc de remonter l'Avenue de la Gare vers le centre ville où il semblait y avoir une certaine activité. Il emprunta donc le trottoir de droite. Apres quelques dizaines de pas, son attention fut attirée par une voiture parquée dans une petite rue transversale, la rue Paul Déroulède. Il s'en approcha donc, très curieux d'en savoir plus sur cette "classique" qui se trouvait être une Renault des années 20/30, grise, avec un capot pointu, très aérodynamique (au moins pour l'époque !). La voiture était parquée contre un trottoir longeant un petit immeuble de couleur violet pale juste en face de la vitrine d'un bureau indiquant: Phoenix  Assurances. Immédiatement, Walter associa assurance avec accident, puis voiture, puis garage et bien sur mécanicien. Il semblait qu'une lumière était allumée dans le bureau. Walter frappa donc à la porte et entra après un instant d'attente dans une pièce très grande et très claire.

En face de la porte se trouvait un grand bureau adossé à une cloison de verre dépoli qui partageait cette grande pièce en deux parties bien définies. Sur la droite, un bureau un peu plus petit derrière lequel était assis un jeune homme d'une vingtaine d'années, un Arabe apparemment, en train d'examiner des dossiers. Il se leva à l'entrée de Walter et lui demanda, en français bien sur  ce qu'il voulait sur un ton très aimable. Walter ne parlait pas, ou presque pas la langue de Voltaire mais, besoin étant, il parvint a expliquer sa situation au jeune homme qui s'appelait Midoune qui lui expliqua à son tour qu'il travaillait pour Monsieur Pierre Souday, Agent d'Assurance pour La Cie Le Phénix.

A ce moment ,un homme assez jeune, vêtu d'un pantalon de golf et d'une veste de cuir et tenant à la main un casque de motard entra. Walter pensa qu'il avait l'air très sympathique et il se remit tant bien que mal à expliquer sa drôle de situation. Apres quelques minutes, Monsieur Souday et Walter se dirigeaient vers la Peugeot qui n'avait, bien sur, pas bougé d'un pouce. En quelques instant, Monsieur Souday avait déterminé que la pompe à essence était la cause du problème mais que ce ne serait rien à réparer : la situation était pure. La pompe fut donc démontée et ils retournèrent au bureau ou Monsieur Souday avait ce qu'il fallait pour effectuer la réparation. A cette fin, ils pas­sèrent donc dans l'arrière bureau caché par la cloison en verre dépoli.

Alors, Walter fut ébahi par les trésors cachés en cet endroit inattendu : il y avait une très belle bicyclette avec des pneus-ballons, une trotinette avec de grandes roues, une pédale et une marche assez grande pour y asseoir deux personnes. Dans un coin, une grande table était recouverte de dizaines de mètres de rails sur lesquels plusieurs locomotives électriques attelées à des wagons de toutes sortes piaffaient d'impatience. Sur une espèce d'établi le long d'un autre mur se trouvait un magnifique navire de guerre prêt a s'élancer sur des flots imaginaires et voisinant une escadrille de modèles d'avions parmi lesquels un biplan Breguet et une réplique de l'Arc-en-ciel de Mermoz, trimoteur qui faisait maintenant partie d'une légende.

Bref, Walter continua de s'émerveiller pendant une autre heure car il y avait aussi une moto de toute beauté, une BMW avec 2 cylindres à plat et qui avait sans doute participé à la campagne de Tunisie quelques années plus tôt avant d'être capturée et  vendue aux enchères publiques.

La réparation étant terminée, on retourna à la Peugeot pour y réinstaller la pompe qui remplit instamment sa fonction et fit piaffer la voiture d'impatience.

Après un apéritif au Café des Halles qui n'était pas loin et des remerciements sans doute pas aussi bien exprimés qu'il l'aurait aimé, Walter reprit la route mais il se dirigeait sur Alger. Il avait décidé de couper court son voyage et de retourner à Los Angeles aussi vite que possible car il venait de réaliser tout l'enchantement qu'il avait éprouvé dans cet arrière bureau : les trains électriques roulaient dans sa tête, les petits avions traversaient déserts et océans, le bateau, le vélo, la trotinette se déchaînaient dans les rues de la ville, la moto ronflait comme une toupie. La vieille Renault, que Monsieur Souday avait nommée Fend-la-bise, faisait naturellement partie de cette fête folle. Bref, Walter venait d'imaginer un monde de fantaisie qu'il voulait faire partager à tout le monde.

Il réalisa ce projet quelques années plus tard et son nom devint bientôt célèbre sur toute la planète car il avait créé un endroit où petits et grands peuvent rêver sans réserve.

Voici donc comment Walt(er) Disney fut amené à inventer (?) Disneyland.

 

 San José Jan 6,2010