" Le soleil du 15 août se leva au bruit des salves d'artillerie qui annonçaient les solennités du jour. L'Algérie, pour célébrer dignement avec la France la fête de l'empereur, ajoutait au programme des réjouissances l'inauguration de son premier chemin de fer. Cette nouvelle ligne de rails, qui réunit Alger à Blida, n'est point longue, elle n'a que 50 km, mais c'est le commencement d'un réseau qui va bientôt s'étendre de tous les côtés du territoire…
À 7 h 30, son excellence le gouverneur général arrivait prendre place dans un wagon d'honneur avec le sous-gouverneur et le directeur général des services civils ; et les invités de la compagnie ayant rempli les voitures qui leur avaient été réservées, la locomotive s'ébranlait au bruit du canon, des fanfares et des acclamations. Nous courons sur le rivage de la mer, au pied de charmantes collines où les flammes de l'été ont laissé encore assez de verdure pour faire ressortir les blanches villas assises sur les pentes. Mais près de la Maison-Carrée, une échancrure du Sahel nous donne entrée dans la plaine de la Mitidja où la voie pénètre par une courbe gracieuse. C'est d'abord de vastes espaces à demi dénudés ; des troupeaux nombreux y paissent l'herbe rare et parmi des bouquets de verdure apparaissent les douars des indigènes et les habitations des colons…
Après les immenses jachères, voici des vignes, des champs de tabac : c'est la campagne de Boufarik, un ancien marais dont nos laboureurs ont fait une Normandie. Voici les orangers de Blida. Le train s'arrête, accueilli par la mousqueterie d'une troupe de cavaliers arabes, postés dans une attitude pittoresque sur une crête ; une grande affluence d'Européens et d'indigènes mêlait au pétillement de la poudre les acclamations les plus chaleureuses.
MM. de Chancel, sous-préfet d'arrondissement, et De Montagny, maire de Blida, étaient venus recevoir le maréchal à la descente du wagon. Le maire, dans une courte allocution, ayant présenté à son excellence les respectueuses félicitations et les remerciements du pays, le maréchal répond en ces termes : " Monsieur le maire, j'agrée avec satisfaction l'expression des sentiments dont vous êtes ici l'interprète. C'est avec bonheur que je viens aujourd'hui dans votre cité inaugurer le premier chemin de fer dont soit dotée l'Algérie… La rapidité des transports, la facilité des communications sont, pour l'agriculture comme pour l'industrie, des sources de prospérité et de richesse… "