Ce guide  "l'Afrique du Nord"  a été édité en 1952. Il est très largement illustré, mais malheureusement sur les documents disponibles les noms des auteurs des différentes oeuvres sont souvent difficilement déchiffrables.

Seule la partie se rapportant à Blida a été reproduite.  Comme d'habitude, on  y découvre les mêmes décors mais on ne s'en lasse pas.

Illustration de Jacques Liozu

(une version plus détaillée de la carte - 3Mo)

......Blida. Je voudrais éviter de me soumettre à ce qui semble maintenant une fatalité quand on parle de Blida: je ne citerai pas André Gide. Pourtant Gide et Blida sont maintenant inséparables. La gloire de Gide a fait sonner le nom de Blida  à tous les échos du monde, et Blida s'apprête à donner  à l'une de ses rues le nom d'André Gide. Curieuse alliance entre un précieux et cynique écrivain normand et une sous-préfecture algérienne paisible, de bonnes mœurs et quelque peu guindée. Il est vrai que réciproquement on pourrait souligner le puritanisme de Gide et rappeler le passé de la ville, que les raïs et les janissaires avaient choisie pour être le théâtre de leurs débauches que les musulmans vertueux avaient pour cela surnommée Kahba, la courtisane... Mais on appelle aussi Blida, Ourida, la petite rose et son nom même signifie la petite ville. Fleur, fillette, femme, trop femme. Que de séductions!

Il ne reste pas beaucoup de souvenirs du temps passé, à Blida. Elle y a quelques excuses : aux dommages dont les hommes sont ordinairement responsables se sont ajoutés, au début du XIXe siècle, quatre  épidémies de peste  et  un  tremblement  de   terre. Deux mosquées en ville sont de peu d'intérêt.

Au contraire, le Bois sacré, où des oliviers énormes et sûrement séculaires entourent la Koubba de Sidi Yacoub Cherif, marabout du XVIe siècle, est un lieu privilégié, un asile d'ombre et de silence; accroupi au seuil du petit monument blanc un vieillard, qui parait être toujours le même, est enfermé dans sa méditation. A quelque distance de la ville est un autre champ  de dévotion: le cimetière où dort le patron  de Blida, Sidi Ahmed el Kébir, non sous une Koubba, mais en plein air, par esprit d'humilité; les lampes votives y brûlent néanmoins et à l'époque de l'Aïd es Seghir, après la fin du Ramadan, l'affluence des pélerins est grande, qui viennent ici prier pour leurs malades et sacrifier des poules noires. Les vieux conteurs ne tarissent pas de légendes sur ces deux saints personnages qu'ils vénèrent et sur les miracles que tous deux accomplirent. C'est dans ces récits, qui concourent à composer l'atmosphère de Blida, que l'Orient est surtout sensible, et aussi - plus immédiatement encore - dans le parfum des orangers, des roses, des glycines et des jasmins, qui emplit le crépuscule d'été.

De quelque côté qu'on se tourne, dans la Mitidja, l'horizon est borné par la montagne, sauf le long du littoral où le relief s'abaisse. On peut  donc gagner sans peine la Kabylie à l'est, le front de mer à l'ouest vers Ténès et Oran; mais il faut, pour atteindre les hautes plaines intérieures, franchir la barrière de l'Atlas tellien, soit par les gorges de la Chifra, au delà de Blida, en faisant la halte classique au Ruisseau des Singes, pour toucher Médéa après le col du Nador; soit par l'Arba, Sakamody et le col des Deux-Bassins vers Tablât, avec dix kilomètres de montée impressionnante en lacets et dix kilomètres de descente non moins impressionnante; soit enfin par le Fondouk et les gorges de Keddara au pied du Bou Zegza, bastion avancé du Djurdjura. Tous ces itinéraires suivent de très bonnes routes,  souvent audacieuses, et d'un pittoresque parfait :  torrents, cascades, forêts, panoramas étendus, rien ne manque pour le plaisir des yeux.

Laissant la route directe, celle d'Aumale, nous gagnerons Bou-Saâda par Blida, Médéa et Boghari.

Illustration de Edy Legrand