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J'ai déchiré la page ( ALGER )
J'ai déchiré la page pour tout recommencer, Avec d'autres images, avec d'autres pensées, J'ai déchiré la page elle s'est envolée, Loin vers d'autres rivages, loin de mon cher passé !
Alger ses rues, ses bruits, ses cabarets de nuit, le rythme de la mer, la maison de mon père, amour d'adolescent, rengaine qui me suit, pour mieux noyer mon coeur dans des larmes amères...
J'ai déchiré la page pour tout recommencer, Avec d'autres images, avec d'autres pensées, J'ai déchiré la page elle s'est envolée, Loin vers d'autres rivages, loin de mon cher passé !
Alger son ciel sans pluie, c'est une poésie, l'église son Pater, les vieilles en prières, l'école, mon quartier, les enfants et leurs cris, les morts ensevelis dans le grand cimetière...
J'ai déchiré la page pour tout recommencer, Avec d'autres images, avec d'autres pensées, J'ai déchiré la page elle s'est envolée, Loin vers d'autres rivages, loin de mon cher passé !
Alger son bleu, son blanc, avec un peu de rouge, et sous le soleil d'or, des barques dans le port, les filles à marins se donnent dans les bouges, et le bateau qui part m'emporte vers le Nord...
J'ai retrouvé la page qui s'était envolée, A mes pauvres bagages elle s'est accrochée, J'ai retrouvé la page elle est toute froissée, Mais reste le message d'un parfum d'oranger !
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La Race
Si de pur sang français pouvez vous glorifier, nous ne saurons jamais où nos aïeux sont nés, venus de toutes parts, d'Italie ou d'Espagne, d'Alsace ou de Navarre, ou de l'île de Malte. Si en mille huit cent trente ils plantèrent leur tente, arrosant de leur sang la place de leur tombe, c'est que pleins d'espérance dans les champs de silence, fiers, ils ensemencèrent au nom de votre France. Si nous avons appris comment fallait mourir, payant de notre vie l'amour de la Patrie, c'est que dans leurs chansons, en signant notre front, à leur façon nos mères de nos vies faisaient don. Et si sans vous connaître, aux premières trompettes leurs garçons s'enrôlèrent pour libérer vos terres, c'est bien qu'en nos écoles, parée d'une auréole, France semblait la rose de nos leçons de choses. Si traités de racistes ou de capitalistes, victimes d'injustices nous avons une élite, c'est que s'enrichissant par des sangs différents un cinglant démenti donnons à nos enfants. Car nous revendiquons tout comme les Bourbons, sang de toutes nations honneur de notre nom !
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Premier Novembre
Franchis le gros portail... Pied-Noir ferme les yeux et signe-toi. Deuxième allée, dernière tombe à droite. Seul bruit, le sable crisse sous tes pas, doublé parfois par un chant de cigale. C'est ton premier Novembre... Pied-Noir ferme les yeux, rappelle-toi cet homme, ton père, à qui tu dois la foi. Cette femme, ta mère, à qui tu dois la vie. Chers morts frustrés aux dalles défleuries. Cimetière de ton enfance... Pied-Noir ferme les yeux, recueille-toi. Tu repeignais tous les ans, autrefois, la croix de bois aux lettres effacées, te réfugiant à l'ombre du cyprès. . Drapeaux de tes victoires... Pied-Noir ferme les yeux et cherche ailleurs, ultime devoir de tous ces tirailleurs. Le chant des morts soulève notre coeur, péniblement cachons notre rancoeur. Amoureux de la France... Pied-Noir ferme les yeux, et prie pour eux, véritables martyrs, jeunes ou vieux, cadavres sans cercueil, l'oeil encore ouvert, vous devez même morts nourrir votre terre ! Mais prends ton évangile... Pied-Noir ouvre les yeux, tourne les pages, ne rougis pas, sois fier à son image... accablé de racisme, persécuté, abandonné de tous en vérité, tu peux revoir, c'est ton seul droit : rêver !
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Mon vieux Saïd
Les sots et les méchants ont séparé nos routes, et toi, mon vieux Saïd, qu'es-tu donc devenu ? Si mes vieilles chansons tu les connaissais toutes, comme au temps des cerises je veux t'en offrir une.
Assis sur ta bourrique, fumant ta cigarette, tel un caravanier descendant la montagne, ta flûte d'un côté, de l'autre gargoulette, te voyant je pensais à un très grand d'Espagne.
Comme Pérette en route déjà tu calculais, avouant en toi-même ton péché de paresse, qu'en offrant quelques fruits de ton panier d'osier tu te ferais nourrir aux frais de la princesse.
Et quand tu arrivais pour moi tout semblait fête, dans tes haillons crasseux, ta canne sur le côté, et si mon coeur trop jeune se payait de ta tête, tu comprenais Saïd que c'était pour jouer.
Si tes yeux langoureux pleurèrent tant un jour, humectant de leurs larmes ta moustache si fine, c'est que grands de ce monde à plaintes restent sourds, because... avec de bons souliers ils brisent les épines.
Tu restes dans mon coeur un portrait de famille encadré d'herbe fraîche, de figues de barbarie, et si tu te sens mal dans ce monde qui fourmille, vaut mieux mon vieux Saïd, rentrer dans ton gourbi !
Vaut mieux, mon vieux Saïd, rentrer dans ton gourbi !
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L'Au revoir ( à un jeune martyr )
L'enfant venait de rendre à Dieu sa vie, et dans une prière souriait à Marie, quand la mère affolée emprisonnant son corps, voulut comme une braise le réchauffer encore ! Oh ! démence de l'amour impuissant, cherchant à la dérive ses commandements, bénissant de ses larmes le corps déjà froid, elle trace sur le front un lent signe de croix !
Baisant ses mains, les joignant en pleurant, comme s'il vivait encore elle observe l'enfant, revoyant tous ses âges, ses colères, ses sourires, elle sent déjà la paix peu à peu l'envahir... Douleur chrétienne savez si bien souffrir... Ce chemin plein de ronces que l'on prend pour mourir, grâce à nos convictions nous mène en paradis... Ce n'est qu'un au revoir... et à bientôt petit... Ce n'est qu'un au revoir !
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Méditerranée
Déesse majestueuse à la tunique bleue, toute vague qui meurt comme une messagère, confie sur chaque rive aux amoureux fougueux, les lambeaux de son voile en écume légère.
Nature capricieuse, fée au pinceau agile, tu pris sur ta palette toutes gammes de bleu, et tu voulus alors en artiste subtile faire briller ces couleurs sous un soleil radieux.
Oh ! Méditerranée des côtes africaines, quand le printemps si doux vous fait déjà la cour, nous déferlons alors comme marée humaine, et sur vos plages d'or nous grisons chaque jour.
Et votre baie sauvage aux reflets de turquoise opposant au voilier ses griffes dans le soir, et les mouettes blanches aux quatre vents se croisent comme pour annoncer que le bleu tourne au noir.
Le pêcheur nostalgique dans l'eau claire se mire, les amours de la mer ont toutes un goût salé, la pêche est abondante et la barque chavire, il nous faut à la nage gagner l'autre côté.
Oh ! Méditerranée de nos côtes de France quand le printemps si doux vous fait déjà la cour, nous déferlons alors le cœur plein d'insouciance et sur vos plages d'or nous grisons chaque jour.
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Retraite aux flambeaux
Amis souvenez-vous de nos beaux régiments au passé glorieux, célébrant la victoire ! Ils avaient su jadis mener tambour battant les enfants de la France au sommet de la gloire !
Dans les nuits embaumées de l'été africain, toutes les avenues semblaient Champs-Elysées ! Déjà nos cœurs battaient quand nous étions gamins, pour nous, samedi soir c'était quatorze juillet !
Retraites aux flambeaux soûlées de liberté, lampions multicolores abritant le fanion, raïtas et trompettes aux accents cadencés, amour de la patrie rempli de conviction !
Assis sur le derrière et très observateurs, même les petits chiens redressaient les oreilles et le bélier bien gras, prenant l'air supérieur, conduisait la fanfare, semblable au roi soleil !
Spahis, zouaves et tirailleurs aux mains gantées de blanc, en tenues bleu d'azur toutes galonnées d'or, avec désinvolture lanciez baguette au vent, battant jolis tambours qui résonnent encore !
Et le porte-drapeau fier comme Artaban, et le chef de clique se croyant colonel, vos fourragères, orgueil de vos combats d'antan, vos décorations souvenir solennel !
Dans les rides profondes se nichait une larme, quand vous passiez, soldats, les vieux avaient vingt ans, les petits yaouleds ne pensaient pas aux armes, en fidèles gardiens suivaient le régiment !
Et les pétards claquaient en un feu de bengale annonçant la clôture de retraite aux flambeaux, et le kiosque à musique s'animait pour le bal et nous dansions heureux à l'abri du drapeau !
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Bienvenue en Bretagne
Départ à l'aventure sans cheval ni voiture es-tu le bienvenu fils de race perdue ?
Comme au jeu de ciseaux tu cherches tel un oiseau fatigué de la vie où tu feras ton nid...
Entends le bruit du train, cadence sans entrain, il semble t'inciter, déjà à t'arrêter...
Et comme une rengaine accompagnant ta haine l'air à demi hagard défilent toutes les gares...
Les Charentes, la Vendée, tu es presque arrivé car voici la Bretagne le pays de Sainte Anne...
Tu ne connais personne, mais déjà midi sonne, et là-bas sur le quai tu restes interloqué...
Tous ces gens te sourient, gênés, d'un air ami, te promettent bonheur, et un peu de chaleur...
"Vous viendrez à Saint-Brice !", déjà tu es complice, tu lis sur leur visage la bienvenue au Gage....
Bretagne ô beau pays, je suis à ta merci, ici comme là-bas le jour se lèvera.
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CONCLUSION Le Départ
J'ai tout abandonné : mon pays, ma maison. Fière, je suis partie et sans me retourner, je ne ressentais plus ni haine, ni passion, j'emportais nos deux chats dans un panier d'osier.
Anxieuse pourtant comme l'est une mère, remettant aux douaniers mon si précieux fardeau, je constatais alors que dans notre misère, il nous restait au moins l'amour des animaux !
Vous, bonne vieille dame au regard presque blanc, dans voiture d'infirme serriez cage d'oiseaux, mélancoliquement comme un petit enfant, vos larmes les abreuvaient comme eau dans le ruisseau.
Pour la seconde fois, aveugle, dans un frisson, avez perdu la vue tout en perdant l'espoir, vous séparant du chien fidèle compagnon ! Dans ce triste horizon n'entrevoyez victoire.
Et vous bébé tout rose messager d'innocence, dans ce monde inconscient où les grands font la course, vous souriez naïf, le coeur plein d'insouscience, à jouet de peluche en forme de nounours.
Et comme un souvenir nous retrouvons la France, et nos chats, nos oiseaux et l'aveugle son chien, et le bébé toujours si plein d'insouscience, de notre beau pays ne se souvient de rien.
Quand je pleure parfois, que tout semble mystère, que la pluie tombe froide, que je pense au soleil, que brûle le désir de revoir notre terre, quatre bons yeux de chats me consolent et me veillent.
Quand autour de la table pouvons nous compter tous, embellissant nos vies d'un reflet du passé, nous n'avons rien perdu allons comme vent nous pousse, vers un nouveau destin et vers la liberté !
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Les suicidés Ils étaient mes amis les suicidés d'hier. Les journaux impriment de leur sang leur manchette, fait divers : un suicide de rapatrié à la manière des bonzes ou par simple pendaison.
Ils étaient mes amis les suicidés d'hier. Nos vieux avaient labouré la même terre, y laissant à jamais l'empreinte du labeur, de la volonté, de l'abnégation.
Ils étaient mes amis les suicidés d'hier, avec la même ville, Blida, ses roses, ses orangeraies, Chréa... le même ciel, le même soleil, la même église, les mêmes fonts baptismaux, la même table de mariages et le même cimetière.
Plus tard, lorsque nous eûmes passé le même temps, nous eûmes les mêmes joies, les mêmes chagrins... victimes de la même injustice, du même abandon, nous eûmes le même exil, le même déchirement.
Pourquoi faut-il que tout soit différent à présent...
Pourquoi faut-il que la souffrance soit à mon coeur un épanouissement...
Pourquoi me faut-il chanter la mort de mes amis les suicidés d'hier...
Pourquoi me faut-il glaner nos vies, toutes nos vies, pour en faire un poème !
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