ARRONDISSEMENT DE
BLIDA.
COMMUNE DE BLIDA.
SITUATION. Blida est située
par 0°30' de longitude 0., et 36°28' de latitude N., dans
l'intérieur de l'Algérie, â 48 kil. S.-O. d'Alger, à 42 kil.
N.-N.-E. de Médéa, à 70 kil. E. de Miliana.
ASPECT
EXTÉRIEUR. Blida, à l'extrémité S. de la plaine de la
Métidja, assise sur un terrain uni, au pied septentrional du
Petit-Atlas, dont les premiers gradins ne sont éloignés que de
quelques centaines de mètres de ses murs, est élevée de 100 mètres
au-dessus du Masafran, et de 185 au-dessus du niveau de la mer. Une
ceinture du plus beau feuillage l'entoure en toutes saisons. A
l'abord même, elle semble perdue dans une forêt d'orangers de la
plus luxuriante verdure. A distance, la ville développe une grande
étendue où s'élèvent de belles constructions, qui semblent
annoncer une cité importante et opulente, placée dans le site le
plus heureux.
NOTE HISTORIQUE. Ce lieu, quel que soit
le nom antique dont il fut décoré, a dû être occupé de tout
temps, à cause de la position avantageuse et charmante qu'il
offre, mais rien jusqu'ici n'a prouvé qu'il ait jamais été une
station militaire, aux époques reculées. Des marabouts, dont
les tombeaux vénérés sont situés près de la source, et sur les
bords de l'oued Kebir, furent les premiers habitants qui laissèrent
quelques traces dans ce canton. C'est au temps de l'invasion turque
qu'il semble qu'on doive rapporter la fondation de la ville, qui fut
détruite par le tremblement de terre du 2 mars 1825, à 10 heures 12
du matin. Ce séjour du repos et du plaisir devint un lieu de
désolation et un monceau de ruines. Une vaste enceinte carrée fut
élevée plus au N., dans la plaine, à 2 kil. de l'ancienne ville
détruite ; pour protéger les nouvelles constructions , et recevoir
ce qui restait de la population que des auteurs portent à 18,000
âmes avant la catastrophe, où plus de la moitié périt. Mais les
Blidéens restèrent fidèles à leur ancienne position, et
relevèrent leurs maisons sans vouloir habiter le nouvel enclos, qui
est vide et tombe en ruines à son tour.
Le 25 juillet 1830,
le général de Bourmont poussa une reconnaissance vers Blida, y fut
accueilli avec cordialité, et resta un jour. Au retour, les
Kabyles accompagnèrent l'armée de leur fusillade. Le 19
novembre de la même année, le maréchal Clauzel ne put pénétrer
dans la ville qu'après un combat. Il y laissa un corps
d'occupation qui, pour la défense de la place, dévasta les
jardins aux entours. Ben Zamoun ne cessait de tourmenter la
garnison. Le 26, il pénétra dans Blida, mais ne put s'y
maintenir. En revenant de Médéa, le maréchal Clauzel évacua
la ville, où d'inutiles massacres venaient d'avoir lieu en
représailles des attaquesfaites par les Arabes, et une partie de
la population suivit nos soldats dans leur mouvement de retraite.
Les autres habitants de Blida, qui avaient abandonné leurs
foyers à notre approche, revinrent après l'évacuation des troupes
françaises, chassèrent le hakem que la France avait laissé, mais
furent forcés de se soumettre, en mars 1831, aux armes du général
Berthezène. Cependant, ils entrèrent peu après dans la grande
coalition formée par Sidi Saadi. Le 20 novembre 1832, ils
abandonnèrent de nouveau leur ville, qui fut saccagée par le duc de
Rovigo, pillée, évacuée encore par les troupes françaises. Les
malheureux habitants acceptèrent alors un hakem de l'émir Abd
el-Kader, et en furent punis, le 29 avril 1837, par le général
Damrémont. Le traité de la Tafna conservait Blida à la France; le
maréchal Valée en prit définitivement possession le 3 mai 1838, et
fit tracer deux camps; l'un dit camp supérieur, à l'U., sur la
rive gauche du ravin (que la tradition désigne comme l'ancien lit de
l'oued Kebir; l'autre, camp inférieur, à l'E., et à l'entrée même
des jardins rouvrant la route qui conduit de Méred au camp
supérieur.
L'occupation de la ville ne fut effectuée que petit
à petit, afin de prévenir les collisions et les dévastations.
L'arrêté du 4 novembre affecta à l'hôtel-de-ville la maison dite
Dar Ibrahim Agha. En 1842, Blida entra dans une voie de progrès qui
fit concevoir les plus brillantes espérances. Une grande partie du
numéraire d'Alger et les efforts de la portion la plus active de la
population, furent dépensés dans cette ville d'avenir. Trop de
monde à la fois peut-être, se hâta de compromettre des capitaux en
constructions ambitieuses et dispendieuses, à cause des frais de
transports, et, dès 1846, Blida commença à décliner. Elle se
releva depuis, et l'ouverture du chemin de fer, lui promit une
nouvelle ère de richesse et de prospérité.
Les
7 et 8 mai 1865, l'Empereur allant à Miliana et au retour, les 11 et
12 du même mois, S. M. allant à Médéa et au retour, a traversé
Blida, et l'a visitée avec satisfaction.
Le 2 janvier 1867,
à 7 heures 15 minutes du matin, une violente secousse de tremblement
de terre lézarda un grand nombre de maisons et en fit écrouler
quelques-unes.
Voici, d'après un article inséré dans le
journal le Courrier de l'Algérie, quelle fut la physionomie de Blida
pendant et après le tremblement de terre du 2 janvier 1867.
Le
narrateur dont nous empruntons une partie de la description,
s'exprime ainsi :
Nous
allons essayer de dire nos impressions pendant la terrible journée
du 2 janvier et celles qui la suivirent.
Sept heures du matin
ont sonné à l'horloge de Blida... Il pleut, et les gens qui vivent
de la terre en remercient le Ciel. L'espoir renaît, le courage des
cultivateurs se relève : 1867 a les éperons verts,
selon l'expression arabe.
Tout-à-coup un roulement sinistre
se fait entendre dans l'O.; les oiseaux fuient avec la rapidité de
la flèche en jetant un cri aigu ; un bruit souterrain, pareil à
celui de lointaines détonations d'artillerie ou du fracas de lourdes
voitures, gronde bientôt sous nos pieds. Il résonne, il est saccadé
comme les éclats du tonnerre ; il retentit comme si des masses de
roches vitrifiées se brisaient dans des cavernes souterraines. Un
souffle chargé de soufre passe sur la ville, puis le sol oscille, il
se gonfle, il ondule ; la ligne de propagation s'allonge de l'Ouest à
l'Est, et parallèlement à la chaîne du Petit-Atlas. La terre
semble se soulever en vagues solides; l'oscillation est horizontale ;
on sent aussi de la trépidation, comme si la croûte terrestre était
choquée de bas en haut ; c'est une série de commotions et de
secousses précipitées. Les constructions ébranlées, craquent
comme un navire dans la tempête; les bois se déchirent en
gémissant, les poutres se déchaussent, les planchers glissent comme
des tiroirs, les vitres se brisent et volent en éclats, les
murailles se disjoignent aux angles, les cloisons secouées se
fendillent, se gercent, se crevassent et perdent leur aplomb; les
plâtres s'exfolient en lamelles squammeuses et volent dans l'air
comme des flocons de neige; les tentures se déchirent de haut en
bas, les terrasses s'entrouvrent et laissent voir un lambeau du ciel
grisâtre. Les meubles se heurtent sourdement, les verres se choquent
et vibrent, les sonnettes sonnent, les cloches tintent lugubrement,
les glaces se détachent, se renversent et se brisent, les
porcelaines et les faïences se fêlent. Tous les enfants crient; les
musulmans sont résignés; les mauresques lèvent leurs mains vers le
ciel et cherchent à désarmer Allah. Les Juifs, fous de terreur,
implorent Jéhovah ; les Juives poussent des sons inarticulés.
Chacun s'adresse à son Dieu. Les faux superbes se courbent et se
font petits dans ces terribles instants. Dieu exécute sa menace : «
Je saisirai la terre comme je le ferais d'un nid d'oiseau que je
briserais avec la couvée ! »
Que de douloureux épisodes,
que de scènes dramatiques, terribles, ont dû se passer entre ces
murailles menaçantes, sous ces terrasses prêtes à s'effondrer, sur
ces planchers fuyants sous les pieds; Quelles pensées effrayantes
ont dû surgir dans ces cerveaux que la mort va briser peut-être !
Chaque animal jette son cri de frayeur : le chien glapit en fuyant,
les chevaux soufflent et brisent leurs liens. La terreur est chez
tous et partout. La population dont les trois quarts étaient au lit
fuit ses demeures, éperdue, affolée, prise de vertige, et dans le
costume où le fléau l'a surprise : des femmes serrant leurs enfants
dans leurs bras, des jeunes filles s'échappant, par la pluie, à
peine couvertes, échevelées, les pieds mis. Les secousses
continuent furieuses; c'est toujours du roulis et de la trépidation
; les secousses sont des éternités ! Nous sentons le fléau courir
sous nos pieds ; la terre semble un corps mou, le sol fuit et se
relève.
Plusieurs personnes sont renversées par la violence
de la commotion. C'est comme une houle de la mer, et l'on en a les
étourdissements ! moment terrible où une population, pleine de
jeunesse et de santé, peut, en quelques instants, n'être plus
que de la boue humaine ! La mort est partout ; elle est sur nos
têtes, sous nos pieds ; elle est devant, derrière nous.
Il
pleut des pierres, des tuiles, des briques; c'est un chaos, un
fouillis de débris qui s'entrechoquent et se rompent. Tout semble
pris d'un délire vertigineux; les arbres eux-mêmes sont agités et
se plaignent, et le frisson des feuilles n'est qu'un mystérieux et
glacial susurrement. C'est le désordre du dernier jour.
Les
murs extérieurs se lézardent ; les corniches se détachent et
tombent sourdement, les pignons s'émiettent et forment un tourbillon
de poussière jaunâtre, les tuiles volent eu sifflant, les cheminées
vacillent comme un homme ivre; elles hésitent, chancellent et
s'abattent; quelques-unes restent debout après avoir tourné sur
elles-mêmes.
Des pans de murs se détachent comme un décor
de théâtre, et laissent voir les entrailles des maisons; les
minarets s'inclinent, se redressent et se découronnent, les
clochetons de l'église s'agitent sur leurs bases et se disloquent ;
l'un des cadrans est précipité sur le sol ; l'horloge s'arrête et
marque l'heure fatale - 7 heures 15 minutes.
Dix secondes ont
suffi pour mener à fin les terrifiantes péripéties du drame dont
nous venons de peindre l'imparfait tableau, toute la population est
dehors, sur les places publiques; l'inquiétude est sur tous les
visages; on se cherche avec anxiété, on se rencontre, on
s'embrasse, on se serre la main, on se raconte les dangers qu'on a
courus.
Après la première secousse, les plus hardis étaient
rentrés dans leurs demeures pour s'habiller ou pour y prendre les
vêtements de leurs femmes ou de leurs enfants; mais un second
ébranlement, très-court d'ailleurs, qui se produisit quelques
minutes après le premier, les en avait chassé de nouveau. Des
malades furent évacués de leurs habitations et apportés, malgré
la pluie, sur les places publiques. Trois autres secousses qui se
firent successivement sentir à 8 heures 6 minutes, à 9 heures 10,
et à 9 heures 30 minutes, achevèrent de ruiner la confiance que
quelques tenaces paraissaient avoir dans la solidité de leurs
habitations. La plupart des maisons, fortement dégradées par cette
dernière secousse, durent être définitivement abandonnées. Les
prisons furent vidées, et les troupes d'infanterie quittèrent leurs
casernes, devenues inhabitables, pour aller camper en dehors de la
Porte Bizot; les malades de l'hôpital militaire furent établis,
aussi bien qu'on le put, dans les cours de cet établissement.
Des
prélarts furent étendus sous les arbres de la place d'Armes, pour
abriter provisoirement contre la pluie les malheureux dont les
maisons ne pouvaient plus être habitées sans danger. Les gens
nerveux prétendaient même que la terre ne cessait de frissonner.
La nouvelle de la destruction de Mouzaïaville, fut apportée
par un gendarme vers les dix heures du matin. Des tentes de
campement avaient été demandées à Alger, et on les attendait dans
la journée. Le soir, chacun se casa comme il le put, les uns sous
des tentes de l'administration ou dans le camp des Tirailleurs, les
autres dans des voitures ou sous des hangars ; la pluie ne cessait de
tomber.
Des secousses intermittentes, accompagnées de
grondements souterrains ou de détonations lointaines, furent
ressenties, cette nuit, du 2 au 3.
Le lendemain Blida n'était
plus qu'un camp ; les places, les boulevards, les terrains de la
Remonte étaient hérissés de tentes ou de baraques; les services
publics, installés sur la place d'Armes, fonctionnaient
immédiatement; une ville de toile s'élevait dans la ville de
pierre. Le problème de la fusion était même résolu : Chrétiens,
Musulmans, Israélites, réunis par la communauté du danger et par
la nécessité, habitaient sous la même toile.
La population
blidéenne s'était déjà faite à ce nouveau genre d'existence.
Dès le soir du 3, l'accordéon français, la guitare espagnole,
la flûte arabe, le violon israélite retentissaient sous les
tentes. Parfois, un tressaillement du sol venait interrompre
brusquement cette harmonie, et rappeler à ceux qui l'avaient
oublié, que le courroux de la terre n était point calmé, et
qu'ils se réjouissaient sur un volcan.
Les érudits se
racontaient aussi des épisodes du tremblement de terre qui avait
détruit Blida en 1825; ils faisaient remarquer celle singulière
coïncidence de quantième du mois et de jour de la semaine : Ce
fut, en effet, le 2 mars, et un mercredi.
L'agitation n'avait
cessé de se manifester, mais à des intervalles plus ou moins
rapprochés, pendant la journée du 3. Ce n'étaient, à vrai dire,
que des frémissements paraissant avoir toujours leur point d'origine
dans l'ouest ; aussi, quelques personnes s'étaient-elles décidées
à rentrer dans leurs demeures délabrées. Deux secousses
successives assez violentes vinrent, à une heure trois quarts de la
nuit du 3 au 4, troubler leur quiétude et les pousser de nouveau sur
les places publiques. La pluie n'avait pas discontinué de
tomber. Vers quatre heures du matin, un ébranlement court mais
intense, chassa définitivement de leurs habitations ceux que la
pluie ou l'ignorance du danger y avaient maintenus. Ils durent se
résigner à aller prendre leurs bivouacs sur la place publique.
Les journées des 4, 5 et 6 ne furent troublées que par
quelques tressaillements sans importance, qui paraissaient être les
dernières convulsions intestines de notre planète. Le moral de la
population était remonté et la confiance revenue : on s'occupait de
mastiquer les lézardes ; mais, le 7, à 5 heures et demie du soir,
une brusque commotion, précédée d'un grondement souterrain
accourant de l'ouest, vint avertir les confiants que le phénomène
n'avait pas pris fin. Les maisons se vidèrent une troisième fois,
et ceux qui avaient essayé de s'y installer se décidèrent
franchement a camper.
Depuis le 7, on n'a
plus compté que quelques vibrations qui n'ont rien ajouté aux
dégâts produits par les secousses antérieures.
Aujourd'hui,
on a commencé la démolition des constructions menaçant ruine, et
la consolidation des autres. La ville aux fruits d'or, un moment
morne, triste et abattue, reprendra bientôt ses charmes et les
attraits qui nous la faisaient tant aimer. Oublions nos maux,
mais non la leçon. Nous voudrions qu'elle profitât aux
propriétaires présents 'et futurs, et qu'à l'avenir, ils fissent
construire dans des conditions de sécurité plus en rapport avec la
constitution du sol sur lequel Blida est assise.
Mais
pourquoi nous décourager quand déjà les oiseaux chantent leurs
amours dans nos jardins, et que les orangers nous jettent à
profusion leurs plus délicieux parfums. La science dit d'ailleurs
qu'il n'est aucune portion de la surface du globe, soit continentale,
soit océanique, qui ne soit exposée aux tremblements de terre. Quoi
qu'il en soit, nous sommes avertis.
IMPORTANCE
POLITIQUE. Blida, chef-lieu d'arrondissement, a un Sous-Préfet,
un Tribunal de première instance, une Justice de paix. La population
de la ville et banlieue est de 2,814 Français, 2,510 Etrangers, 570
Juifs, 3,449 Arabes; en bloc, 632. Le culte catholique a un curé et
plusieurs vicaires ; l'Islamisme a un muphti.
ENCEINTE.
Blida est entourée d'un mur de 4 mètres de hauteur, percé par six
portes, qui sont: la porte d'Alger, du Camp des Chasseurs,
Bab-Zaouïa, Bab-el-Rahba, Babel-Sebt et Bab-el-Kebour ou de Bizot.
Le tracé d'une enceinte plus vaste circonscrit le périmètre de la
ville en la figure d'un losange, dont la pointe la plus aiguë se
prolonge au S.-E. Le fort Mimich, assis sur un versant de la
montagne, à 398 mètres au-dessus du niveau de la mer, et sur la
rive gauche de l'oued Kebir, coulant entre lui et la ville, la
protège au S.
PHYSIONOMIE LOCALE. Blida est un
composé d'habitations arabes et de constructions gracieuses,
quelquefois grandioses. A côté de la hutte de l'Arabe, de
l'ancienne maisonnette, dont un rez-de-chaussée autour d'une petite
cour carrée, plantée de quelques orangers, formait toute
l'importance, s'élève sur des arcades la maison avec ses hautes
fenêtres, ou bien la fraîche demeure de l'homme plus sage et plus
modeste, dont les persiennes vertes s'ouvrent sur les plus riches
paysages. Beaucoup de maisons jouissent de la vue immense de la
plaine de la Mëtidja au N. L'Atlas, qui domine la ville au S., à
petite distance, plane de toute la hauteur de son imposant aspect sur
tous les quartiers et se voit de presque toutes les rues. La ville,
établie sur une surface plane, est régulière, bien percée, et
alignée comme une cité américaine. A l'entrée de chacune des
portes de Blida est une petite place. Dans les rues Bab-el-Sebl,
Bab-er-Rahba, d'Alger, Abdallah (dite des Juifs), rue Grande, rue du
Bey (dite des Bains-Français), on voit de hautes maisons françaises
; celles qui forment le carré de la place d'Armes, qui est ornée
d'un bassin et de deux rangées d'arbres, sont à arcades et d'une
architecture régulière; celles de la place Bab-el-Sebt, où s'élève
une jolie fontaine, rivalisent par leur élégance avec ces
importantes constructions. La place de l'Orangerie est embellie
d'orangers grands et forts. La grande place du Marché des Indigènes,
réunit tous les jours une foule d'Arabes qui trouvent, à Blida,
deux Fondouks et deux bazars, el viennent y apporter les produits de
leurs jardins, tandis que les Européens ont leurs étalages sur la
place Bab-el-Sebt ; ils ont aussi, au même lieu, des bâtiments
affectés au même usage. La viande el le combustible y sont moins
chers qu'à Alger. La vie n'y est guère à meilleur marché. Les
indigènes, tous les vendredis, viennent en grand nombre, à l'O. De
la ville, et y tiennent une foire, où l'affluence est prodigieuse.
Ils y conduisent des bestiaux, des chevaux et bêtes de somme, - y
apportent des céréales, des peaux, laines, charbon, bois à brûler,
? du sel provenant des montagnes. Les Zouaoua offrent leur savon, les
Mouzaïa, leur tabac, les Béni Sala, des substances tinctoriales.
Ces arabes achètent en échange des fers bruts, de la mercerie, de
la quincaillerie, des tissus de coton, des calicots, des foulards, du
sucre, de l'épicerie. Il y a une foire du 15 au 20 août de chaque
année. Autrefois Blida était renommée pour ses teintureries, ses
tanneries, où la préparation du maroquin pour la chaussure,
l'équipement et le harnachement était excellente; on y fabriquait
des instruments aratoires. De nombreux moulins à farine, établis
sur l'oued El-Kebir, qui prend sa source à 4 kil. S. de la ville,
dans la gorge profonde à l'embouchure de laquelle est assise la
ville, avaient été habilement établis au lieu où des chutes d'eau
indiquaient remplacement d'usines de ce genre.
Aujourd'hui,
ces industries sont bien délaissées. Toutefois, plusieurs
minoteries importantes, exploitées par des Européens, sont en
pleine activité; quelques-unes même fonctionnent jour et nuit, et
méritent d'être visitées. On verra aussi avec intérêt une grande
volière chez M. Giraud.
L'oued El-Kebir presque tout entier,
est pris au-dessus de la ville, où l'on a fait un barrage ; ses eaux
arrivent à Blida par des conduits souterrains savamment ménagés.
Ce travail, et des aqueducs qui passent par Joinville et Montpensier,
déversent une abondance de liquide qui est débité par les
fontaines de la place El-Sebt - des portes d'Alger, Bab-er-Rahba,
Bab-el-Sebt et des bornes fonlaines, répandant plus de 13,000 m
cubes d'eau en 24 heures, dans le temps des plus fortes chaleurs.
L'excédant suffit à l'irrigation des nombreux jardins cultivés aux
entours de la ville, et va encore enrichir les villages de sa
surabondance. Un beau lavoir et trois abreuvoirs publics
réunissent une partie de ces ondes, qui coulent sans cesse.
ÉTABLISSEMENTS MILITAIRES. Les bâtiments militaires
sont fondés sur un plan bien entendu Les casernes peuvent recevoir
3,000 hommes. Il y a cinq quartiers de cavalerie et un bel
établissement des remontes, avec un dépôt d'étalons bien situé,
bien tenu. On y voit plus de 60 beaux étalons destinés à la
reproduction, auprès desquels les Indigènes s'empressent, d'amener
leurs juments. Un vaste hôpital s'élève près de la porte d'Alger.
Le premier conseil de guerre siège à Blida.
ÉTABLISSEMENTS
CIVILS. Les constructions de quelque importance sont la
Sous-Préfecture, la Mairie et la nouvelle église. Les mosquées
Ben Sadoun , et des Turcs, sont restées à l'Islamisme. Une école
primaire, tenue par les Frères de la Doctrine chrétienne, dans un
édifice spécial, donne la première instruction aux jeunes garçons.
Il y a aussi une école maure-française. Les demoiselles fréquentent
une institution tenue par les Soeurs de Saint-Joseph. L'institution
d'un bureau de bienfaisance a été confirmée le 31 juillet 1853. Un
jardin public, clôturé, offre, au bois dit des Oliviers, un lieu de
promenade des plus agréables. En face, et sur les bords de l'oued
El-Kebir, un très bel abattoir civil dessert la ville, qui a aussi
un entrepôt de farine et un entrepôt de tabacs. Une stalion
télégraphique a été établie.
INDUSTRIE PARTICULIÈRE.
Un journal se publie sous le titre du Tell. L'orangerie du Tapis-Vert
est un Tivoli délicieux, en dehors de la porte d'Alger, où les
chanteurs, les acteurs ambulants, les jeux de toute espèce, les
danseurs prennent leurs ébats au milieu des plus charmants parterres
et sous l'ombrage parfumé d'arbres touffus ; c'est le théâtre, en
la saison d'été. Les beaux cafés sont ceux du Commerce, des Arts,
de France, et le café Laval qui ne leur cède guère par le goût
des ornements et les bonnes consommations. Les hôtels sont bien
servis : l'hôtel au coin de la rue d'Alger et de la place d'Armes,
les hôtels de la Régence, du Périgord, des Bains français,
d'Orient. Blida a un comice agricole.
ENVIRONS. Blida
est une corbeille de fleurs. Sidi H'amed ben Yousef, le poète
satyrique, n'a trouvé pour elle qu'un madrigal, en disant: on t'a
nommé petite ville, moi je t'appellerai petite rose. Les environs
sont enchanteurs, à cause de la forêt d'orangers et des beaux
jardins cultivés avec intelligence, du milieu desquels s'élèvent
ses murs. Les orangeries s'étendent sur une superficie de 110
hectares; elles comportent 10,781 pieds d'orangers en plein rapport,
4,119 citronniers, 2,026 limoniers, 265 cédratiers et 2,148 orangers
chinois et 4,502 mandarins. En 1861, 8,000 caisses d'oranges, à 15
francs l'une, en moyenne surplace, ont été exportées. Ses champs
s'étendent dans un immense lointain, au N., à l'E. el à l'O., et
se prolongent dans la plaine de la Métidja jusqu'au Sahel de Koléa
et au Chenoua, qui cache la vue de Cherchel, ou bien sont disposés
en amphithéâtre, au S., sur les pentes de l'Atlas. Là, croissent
la garique, l'yeuse, le lentisque, le micocoulier, le caroubier, le
palmier éventail, le genévrier, dans un désordre fantastique et
charmant. Lorsqu'en pénétrant dans la vallée profonde, à l'entrée
de laquelle est assise Blida, on remonte au S. par un sentier fleuri
et ombragé, vers la source de l'oued El-Kebir, qui se montre à 8
kilom. de la ville, on voit les tombeaux très vénérés du marabout
Sidi Mohammed el-Kebir et de ses deux fils, qui consistent en trois
dômes fort fréquentés des pèlerins, qui y apportent des présents.
Au bois des Oliviers, dit le Bois sacré, au S.-O. de la ville, et
sur la rive droite de l'oued El-Kebir, se trouve aussi le tombeau
d'un Sidi Mohammed Blidi, très-illustre dans les légendes. Ces
lieux de dévotion forment des promenades on ne saurait plus
pittoresques. Dans la direction de l'O., et à 8 kilom. de Blida, est
le pont de la Chiffa, auprès duquel l'ordonnance royale du 22
décembre 1846, a créé un village dont la moitié des maisons a été
renversée par le tremblement de terre du 2 janvier 1867. La vallée
de la Chiffa, longue de 16 kilom., va en se rétrécissant au S.,
laissant des échappées de vue magnifiques entre les rochers Quatre
filets d'eau principaux, tombant à 100 mètres, à l'endroit où la
gorge est la plus resserrée, et rejaillissant en perles liquides sur
des anfractuosités tapissées d'oléandres, de salicaires et de
lauriers-roses, forment ce qu'on appelle les Cascades de la Chiffa.
On passe devant elles en suivant la route qui conduit a Médéa. Dans
ces gorges est une pépinière en voie d'expérimentation pour le
quinquina, qui est une annexe du Jardin d'acclimatation d'Alger.
Auprès d'un ruisseau nommé le Ruisseau des Singes, est une bonne
auberge où l'on ne couche pas. L'Empereur allant visiter Médéa,
déjeûna avec sa suite, le 11 mai 1865, au bord de ce ruisseau.
ROUTES. Les routes qui partent de Blida sont :
1°
Au S.-E. la route de Rovigo ;
2° Au S. la route d'Alger, par
Boufarik et Blida ;
3» Au S.-O. la route de Koléa ;
4°
A l'O. la route de Cherchell.
TRANSPORTS. La ligne du
chemin de fer d'Alger s'arrête à Blida. Des voitures de toute
espèce sont à la disposition des voyageurs peu ingambes et autres.
Des mulets conduits par d'infatigables Arabes servent aussi aux
transports.
Les
sections communales sont :
1° JOINVILLE, village
situé à 2 kilom. à l'O.-N.-O. de Blida, occupe un plateau qui
domine la Métidja. C'est l'emplacement du camp dit Supérieur,
établi par le maréchal Valée, en 1838. L'arrêté du 5 juillet
1843 a établi dans son enceinte même, le centre de population
pour 60 familles. Un bel aqueduc y amène des eaux abondantes qui
remplissent une fontaine et un lavoir. L'éducation des plantes
potagères se joint à la culture heureusement conduite dans cette
localité, qui est comme un faubourg de Blida. La population est de
219 Français, 161 Etrangers, 31 Arabes.
2° MONTPENSIER
est situé à 2 kil. au N. de Blida, non loin et à l'E. de l'enclos
inhabité qui avait été préparé, du temps des Turcs, pour
recevoir les habitants de cette ville, après le tremblement de terre
de 1825. Ce village a été établi, par arrêté du 23 juin 1843,
dans l'enceinte même du camp dit Inférieur, pour 20 familles Les
eaux d'alimentation et d'irrigation y viennent par des canaux
maçonnés, et en excellent état de conservation. Il y a un lavoir
couvert. L'hortolage fait l'occupation la plus lucrative des gens de
l'endroit, qui ont l'écoulement fructueux de ces produits par le
voisinage de Blida. Ils ont aussi des céréales et de beaux
tabacs. La population est de 120 Français, 51 Étrangers, 16
Arabes.
3' DALMAT1E, à 4 kilom. N.-E. de Blida, par
213 mètres d'altitude , village créé par arrêté du 13
septembre 1844, possède un territoire des plus fertiles. Il est
bien arrosé d'eaux qui viennent de l'Atlas et ne tarissent jamais.
Le lavoir est couvert. Un moulin è farine et un à huile
fonctionnent dans une gorge. La population est de 160 Français,
79 Etrangers, 341 Arabes. Il y a une église, une école de
garçons, un orphelinat libre pour les jeunes filles.
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BENI-MÉRED, à 7 kilom. N.-E. de Blida, et à égale distance de
Boufarik, par 129 mètres d'altitude, fut dans le principe une
colonie de soldats. On y voit encore un mur crénelé, flanqué de
petites tours aux angles. C'est entre Boufarik et Beni-Méred que, le
11 avril 1842, vingt-deux hommes, porteurs de la correspondance, et
commandés par le jeune sergent Blandan, furent attaqués en plaine
par 300 cavaliers de Ben Salem, et périrent presque tous. Une
colonne commémorative, élevée par souscription, décore la place
de Beni-Méred ; une fontaine établie au-dessous, verse l'eau par
quatre mascarons de bronze dans des vasques de granit. Les eaux
affectées au village sont prises dans l'oued Béni Aza, par un canal
de dérivation qui les conduit dans un réservoir d'où elles sont
réparties en quantités déterminées. L'arrêté du 16 janvier 1843
érigea Beni-Méred en village militaire. 11 fut nécessaire d'y
créer une annexe civile, par l'arrêté du 15 décembre 1845.
Eglise, école de garçons. La route de Blida à Boufarik traverse ce
joli village, à l'E duquel passe le chemin de fer. Il y a une
station. L'Empereur allant à Miliana, a suivi ce parcours le 7 mai
1865. Les cultures sont belles et variées à Beni-Mëred. On
exploite des ardoisières sur les lieux, et à Ferouka, dans l'Atlas.
Les annexes de Beni-Méred sont : Sidi Moussa et Cheblaouï.
Population totale, 375 Français, 73 Etrangers, 172 Musulmans.
Tous ces villages sont reliés à Blida par des chemins
vicinaux si parfaitement entretenus, qu'on pourrait les prendre pour
des allées de jardins.
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