Lucienne Grace-Georges
Poème extrait de " Comme le tournesol"
BLIDA
J'ai chanté la petite rose Endormie au pied de Chréa Qui devint ô métamorphose La perle de la Mitidja... J'ai chanté dans « Le train de vie » La vaillance de ses soldats, Et Fromentin qui eut envie D'écrire et de peindre à Blida... J'ai chanté la ville fleurie Qui ployait en toutes saisons Sous le poids de la féerie Qui s'exhalait de nos maisons... J'ai chanté les vieilles ruelles, Le boulevard des orangers, Les gracieuses demoiselles Qui plaisaient tant aux étrangers... J'ai chanté la fontaine fraîche, Les oueds à jamais taris, La douceur d'aller en calèche, Henri le roi des canaris... J'ai chanté le kiosque à musique, Le Ramadan, le Bois-sacré, Pour toi l'ami je revendique Le grand collège Duveyrier... J'ai chanté la petite amie Que mon cousin le beau Louisot Promenait par économie A l'ombre du jardin Bizot... J'ai chanté le bon vieux théâtre, Cafés, marchés, halle aux tabacs, Les soirs d'été, le coin de l'âtre, Les beaux dimanches de là-bas... J'ai chanté la très Sainte Eglise, L'égarement de son troupeau, Et le cercueil, et la valise, Et l'orgueil de notre drapeau... J'ai chanté les trois cimetières, Montrant du doigt la vérité, En vers brodé sur nos bannières L'emblème de la liberté... J'ai chanté du bout de ma plume Mon bel amour de la Saint-Jean Et je m'acharne sur l'enclume Pour que retentisse le temps... Et je chante à bouche fermée La chanson du pays perdu, De la rose à jamais fanée, Sur un air de fruit défendu ! |