Petite histoire de la Place d'Armes |
|
A l'emplacement de notre Place d'Armes se trouvait la mosquée Sidi Ahmed el Kebir depuis 1535 (1) Cette mosquée fut en partie détruite par le tremblement de terre de 1825et ses restes abritèrent un hôpital militaire avant de devenir la première église en 1840. En 1867, lors du tremblement de terre, la place fut transformée en un gigantesque camp de tentes pour abriter les victimes du séisme.
Par la suite, la Place d'Armes a toujours été le lieu des évènements importants de la ville, les bals pour la fête de Blida, la fête des fleurs, les prises d'armes, les défilés et aussi le lieu de rassemblements populaires comme en mai 1958. (1) Trumelet |
|
Tout commença avec la construction d'un bassin. Voyons comment comment le Cdt Rocas, ancien élu de Blida, raconte la génèse de l'affaire dans le TELL en 1927: Le bassin de la Place d’ArmesCe bassin au dessus duquel a été édifié le coquet kiosque à musique a une histoire que nous allons narrer : C’était en 1847 ; Blida possédait le siège de la
Division d’Alger dont le commandant était le Général Yousouf. L’Hôtel d’Orient, sous ce même nom, était logé dans la rue d’Alger dans la maison à balcons qui fait face au magasin de cycle de Remadni. Dans le bas de la Place d’Armes, une mosquée désaffectée et qui servait d’église au culte catholique, occupait l’emplacement où se trouve l’immeuble de la Brasserie Maxeville. L’hôpital militaire était tout à côté sur le terrain où a été édifié le conseil de guerre et qui est occupé aujourd’hui par les magasins du 1ier Tirailleurs et les bureaux de la Sous-Intendance militaire. La place d’Armes, qui s’étendait devant la Division et devant l’église, servait, à certaines heures, de terrain de jeu de paume aux officiers de la garnison : le « football » de cette époque. Il faut noter qu’en ce temps-là, l’autorité militaire, qui avait en mains l’administration de la colonie, était toute puissante ; les dures épreuves de la conquête avaient quelque peu faussé l’esprit des officiers par trop conquérants avec, en plus, chez certains d’entre eux, un manifeste dédain envers l’élément civil. C’est donc par suite de cette fâcheuse mentalité, bien inconnue des officiers de nos jours, que l’autorité militaire, afin de permettre aux officiers de se livrer au jeu de balle sans aucune gène, faisait placer des sentinelles sur la place à chaque débouché de rue, avec la consigne d’interdire à quiconque de passer sur la place. La population en était contrariée et gênée dans ses moyens de circulation. La municipalité décida le creusement d’un bassin au beau milieu de la place ; c’était une façon élégante de forcer les officiers à chercher ailleurs un emplacement pour leur jeu. Les ouvriers se mirent donc à l’œuvre, le bassin fut creusé,
mais dans la nuit, sur un ordre du Général Yousouf, des corvées militaires le
comblèrent. La maire, Mr Lemoine crut à une brimade éphémère et sans plus
s’émouvoir, fit remettre ses ouvriers au travail. ; ils recreusèrent le
bassin, mais dans la nuit il fut une seconde fois comblé. Le Duc d’Aumale, qui était alors Gouverneur Général de l’Algérie pour couper court à tout, décida le transfert à Alger du siège de la Division et c’est ainsi que la malencontreuse histoire de ce bassin priva la ville de Blida d’un service important et avantageux pour elle.
Cdt Rocas |
|
Le premier palmier fut planté en 1871 par la municipalité Fourrier |
|
|
|
C'est la municipalité Mauguin qui fait construire le kiosque en bois (entre 1881-1901) |
|
|
|
Le kiosque en dur est construit aux alentours de 1910 |
|
Rien ne se fait jamais sans polémique (exemple d'une réaction lue dans la presse de l'époque) |
|
NUIT du 4 au 5 mars 1947: DRAME à BLIDA P-J ARRESE nous raconte et on sent à travers son récit l'émotion ressentie par les blidéens. Un témoin du vieux Blida disparaît Comment dépeindre la surprise, l’étonnement, les regrets des vieux blidéens et des jeunes, lorsqu’ils apprirent cette incroyable nouvelle, mercredi dernier ! Blida se réveillait diminuée, dévisagée ! Le vent qui avait soufflé en rafales pendant la nuit du 4 a 5 mars, avait profité du sommeil des habitants pour commettre un crime odieux : il avait décapité le palmier de la place Clémenceau, parure presque centenaire et orgueil de la ville. Nous aurions pu commencer cette oraison funèbre par la phrase : Vanité des vanités, et tout est vanité : c’eût été là prononcer une insulte sacrilège, car notre feu palmier n’avait d’autre ambition que de couvrir de ses longues palmes notre kiosque et de le garantir des insolations. Quoi de plus modeste ? Comment ne pas glorifier ici la bonhomie de cet arbre majestueux qui aurait pu être plus droit et plus hautain encore ! Les blidéens eux, surent tirer de ce stripe élancé, surmonté d’un bouquet frissonnant, une juste fierté et pour certains même un peu d’orgueil. L’étranger comprendra donc aisément leur consternation lorsqu’ils aperçurent mercredi matin, la vieille tête de notre palmier courbée, comme celle d’un pendu au bout d’une corde. Car, avec cet arbre, disparaît le témoin fidèle de plus d’un demi-siècle d’histoire. En 1870, la place d’Armes était une vague étendue. Un bassin avait été construit en son centre par la municipalité, afin de gêner les militaires qui avaient pris la fâcheuse habitude de s’y livrer à de longues parties de balles . Le 4 septembre de la même année, la foule en délire plantait près du café Laval (qui occupait l’emplacement de l’hôtel d’Orient actuel), un mûrier qui fut sacré Arbre de la Liberté. Malheureusement, la pauvre plante se dessécha et mourut. L’année suivante, le 4 septembre 1871 donc, on détrôna le mûrier et, en présence du maire Laura, un peuplier fut mis en terre au centre du bassin asséché. Ce malheureux soliveau n’eut pas plus de chance que son prédécesseur : il n'arrivait pas à grandir et au contraire, dépérissait comme s’il souffrait des fièvres paludéennes. Les musulmans virent dans ce fait un avertissement du fils de Sidi Yacoub qui, si l’on en croit la légende, avait été enterré au milieu de la place d’Armes. Le saint homme, avant de mourir, avait demandé qu’un palmier soit planté sur sa tombe. Aussi, comme il fallait à tout prix à Blida un Arbre de la Liberté et que Sidi Yacoub ne voulait ni mûrier ni peuplier, le conseil municipal de Blida se décida pour le palmier quelques années plus tard. Ce fut une réussite complète : la jeune plante poussait à vue d’œil, ses palmes furent bientôt assez longues pour couvrir de leur ombre, à midi, plus de vingt dormeurs allongés autour du bassin, ou même dans le bassin, puisqu’il était la plupart du temps sec comme le lit de l’Oued el Kebir en été. Notre palmier devint si majestueux, si noble que la municipalité Bérard lui fit construire d’après les plans de M.Dourel, une véritable couronne de maçonnerie ourlée d’arabesques et Blida posséda bientôt le plus beau kiosque de la région. Ainsi naquit et vécut cet illustre palmier qui vit grandir lentement, belle esclave blanche blottie dans le giron du géant de l’Atlas. Et son histoire s’achève dans la nuit du 5 mars 1947, avec la plus forte rafale de siroco qu’ait jamais subie notre ville en hiver . Souhaitons que son successeur, naissant à l’aube de la quatrième république, soit aussi digne, et respectable que lui et voie une BLIDA encore plus prospère que celle qu’a connue l’arbre défunt.
P-J.ARRESE |
|
le même P-J ARRESE nous fait vivre les moments difficiles qui ont suivi la mort de notre palmier et la mise en place de son successeur « Un arbre par-dessus le toit berce sa palme… »
Nous avons relaté comment, après un demi-siècle d’existence, le palmier, qui constituait l’originalité du kiosque de la Place d’Armes avait été décapité dans la nuit du 4 au 5 mars par la plus forte rafale de siroco qu’ait jamais connue notre ville. Cet accident plongeait les blidéens dans la consternation. Il n’en est pas un qui n’ait exprimé des regrets et honoré la mémoire du défunt à la vue des restes de son corps magnifique, demeurés à la même place où il était resté prisonnier toute sa vie, dressés vers le ciel comme pour le narguer encore ou pour désigner où sont les véritables puissances contre lesquelles personne –même pas un arbre ne peut rien. Ce cadavre décharné et pourrissant, il fallut bien l’ôter de la vue de ceux qui le pleuraient encore. Aussi, les agents du Service Municipal des travaux, furent-ils chargés par M. le Maire, de faire disparaître les cendres de ce vieux blidéen. La besogne ne fut pas facile : le kiosque ayant été bâti autour du palmier, il était impossible de déraciner l’arbre sans détruire cette construction dont les étrangers admirent tant les délicates arabesques : nos agents communaux -en la circonstance, comparables à des « croque-morts » ou à des bourreaux- scièrent donc le tronc au ras du sol, laissant à leur place les racines qui y demeureront probablement pour l’éternité. Ainsi quoi qu’il advienne, il restera toujours sous le kiosque quelque chose de notre auguste palmier. L’enterrement fut ensuite très rapide et très simple. Sans escorte, sans cortège, une voiture trainée par quelque rosse de la cavalerie municipale, transporta le corps deux fois mutilé du défunt jusqu’à … la rivière où ses restes seront coupés en tranches, afin que les eaux de l’Oued El Kebir – quand elles reviendront- les jettent jusque dans la mer où finalement elles se disperseront au gré des flots. Ainsi se termine, samedi 27 juillet 1947, l’histoire de l’arbre de la Liberté de Blida !… Ne nous est-il pas permis de nous attendrir un peu sur cette fin combien triste pour le témoin de tant de fêtes, de tant de joie, de tant de peines, de la naissance et de la mort de tant de blidéens !. Mais nous ne laisserons pas parler plus longtemps notre sensibilité, car la vie est douce, malgré tout, et mérite qu’on oublie pour elle les séparations les plus pénibles et qu’on combatte la douleur d’où qu’elle vienne. Nous sommes allés voir Mr Gomez, architecte municipal, pour recueillir ses impressions : -Personne ne pourra nous accuser, dit-il, d’avoir été pressés de raser le palmier… nous avons longuement étudié la question avant de nous décider à faire cette opération. Mais, comme les spécialistes ne croyaient pas à la réussite d’une greffe, il fallut songer à remplacer le défunt par un autre arbre de la même famille, afin que le kiosque retrouve son esthétique… Il fut donc décidé que le successeur du palmier serait un cocos car cette plante, possédant des palmes très souples, serait plus facile à loger dans l’emplacement où avait été emprisonné le défunt. L'opération fut pourtant longue et délicate puisqu’elle nécessita une journée de travail, mais le cocos est aujourd’hui bien en place et il semble encore plus élégant que son prédécesseur. Pourtant, personne ne peut affirmer que l’arbre s’adaptera aux conditions de vie qui lui sont imposées et qu’il ne se laissera pas mourir lentement… faute d’eau. Quant à nous, nous souhaitons qu’il devienne rapidement le superbe et digne successeur de l’arbre de la Liberté défunt, tant il est vrai que le fils de Sidi-Yacoub –qui est enterré sous le kiosque-, a formulé avant sa mort, le vœu que l’emplacement de son tombeau soit signalé aux fidèles par un magnifique palmier. Gageons que le saint Marabout, en reconnaissance de la bonne mémoire des Blidéens, permettra à l'avenir que les fêtes de Blida se déroulent sous un ciel sans nuage….
|
|
Ce palmier sera décapité par une tempête dans la nuit 4 au 5 mars 1947 |
Nouveau palmier a été planté en avril 1947 pour remplacer celui victime de la tempête |
|
|
|
LA PLACE D'ARMES Ah, qui dira jamais ton charme, Mon élégante place d'Armes Ceinturée de beaux arbres verts, Où nos dix ans, pleins de promesses, Ont fait jadis mille prouesses. Au temps joyeux des jeux divers Quel branle bas, quel tintamarre Sur un ballon rond qui démarre ! Quels bondissements triomphants Cris stridents dont l'âme s'allège Le long des murs du collège Quand on est tout fier d'être enfant ! Et puis les années s'additionnent. D'un uniforme on s'ambitionne. On est conscrit, on est soldat ; Oh ! chers souvenirs de naguère Grands gamins on part à la guerre Et pour la France on se bat. La vie de Blida continue Ma Place au bout de l'avenue Tu demeures chère à nos cœurs On pense à toi, on te retrouve Dans notre esprit où l'amour couve Des pensées de jours de bonheur. On
revoit les beaux jours de fête Les
beaux soirs d'entente parfaite Les
drapeaux neufs, les serpentins Les
mille lampes colorées Qui
pendant d'exquises soirées Nous
font tous comme des pantins. Nos vingt ans, dont nul ne se lasse, Ressuscitent en toi, ma place, Ma chère place de Blida, Et tu restes la plus aimée Dans ta couronne parfumée Où les oiseaux ont leurs ébats. Comme une vivante émeraude Sur ton kiosque où notre cœur rôde Ton beau kiosque tout ciselé, Ton palmier balance ses palmes Dans le matin bleu, le soir calme Et le firmament constellé. Ah, ma divine place d'Armes Pour nous Blidéens que de charme Se dégage de ton carré ! Lorsque je foule ton asphalte Mon amour pour toi me dit " Halte " Je m'arrête pour t'admirer. Pierre PENIN. |