Le Bois-Sacré II
y a de cela quatre siècles peut-être... Un
corsaire fondait la Régence d'Alger. Près
d'un oued, Blida n'était qu'un lieu champêtre, Une
prairie offerte aux pas lents du berger. Un
soir, foulant son herbe, apparut un saint homme, Sidi
Yacoub, un marabout des temps anciens, De ville en ville sainte allant vers le royaume De Mekka, embrasser la pierre, avec les siens. L'endroit
était charmant, il fit dresser la tente. Le lendemain à l'aube, oubliant les piquets, Vers
l'Est, déjà en route, ô difficile attente D'une
terre lointaine aux chemins compliqués..
Chargé
d'ans, il revint en ces lieux. Sa parole Conduisait
les vieux compagnons vers le Grand Port Du
Ciel. Et Dieu lui avait donné l'auréole, De
la Sagesse infinie au seuil de la mort. Est-ce
là ?... Les serviteurs cherchaient la prairie : Des
arbres à leur tour, les piquets oubliés. Combien
de Printemps et de plantes refleuries ?... Les piquets, ô miracle, un beau bois d'oliviers Près
de l'oued, au flanc de sa gorge profonde, En
ce temps-là, vivait Sidi Kebir, un saint. Il
fut au rendez-vous, le soir de la Seconde Dernière
de Sidi Yacoub, le pèlerin.
Main
au cœur, prières dites, ils se quittèrent. L'écho
répéta trois fois le cri des hiboux. Sidi
Yacoub prosterné, fermant les paupières, Dans
sa tente par la Mort fut pris à genoux. Ainsi
trouvé au petit jour par ses disciples, II
fut enseveli en cet endroit sacré De
sa mort. Sa sainteté, en marques multiples, Sera
l'objet glorieux d'un miracle élevé. Avant
de repartir vers l'Ouest, à l'aurore, Le
lendemain, les gens du saint vers le tombeau, Pour
un dernier devoir à Celui qui honore, En
chantant des versets, retournent à nouveau. Mais,
ô stupeur ! Une kouba immaculée A
remplacé la tombe hier encore bien là. En
une nuit Dieu a construit le mausolée, Dans
le bois d'oliviers une blanche kouba. Depuis,
les pèlerins répètent la légende, Du
saint homme endormi dans la paix du Seigneur ; Les
vendredis le musulman, pour une offrande, Au
Bois Sacré, buste incliné, main sur le cœur. Robert DESCHANEL. |
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