CHREA SOUS LES CEDRES.


Quand la ville alanguie par un été torride
Sommeillait doucement, nombre de blidéens
Des pentes de l'ATLAS gravissaient les chemins
A pied, par les traverses, ou en voiture rapide.
De très nombreux virages, sur dix-neuf kilomètres,
Conduisaient à CHREA et ses mille cinq cents mètres.
("Le Col de la Justice" pour les BENI SALAH.)
Au "Boulevard de FRANCE", on dominait BLIDA.
Déjà les pins d'Alep exhalaient leurs senteurs,
L'air, encor surchauffé, fatiguait les moteurs.
Un arrêt s'imposait bien avant la cédraie.
La halte de la "Source", sous les grands robiniers,
Et celle, un peu plus haut, de la "châtaigneraie",
Etaient très appréciées : on sortait les paniers.
Et puis, vers "Les Glacières", les cèdres apparaissaient.
La route, difficile, resserrait ses lacets,
Les sentes étaient plus raides. "La Croix", dernier virage,
Souvent mettait en panne des véhicules hors d'âge,
Mais lorsqu'on arrivait, quelle griserie enfin !
L'air était embaumé d'arômes balsamiques,
On respirait à fond la fraîcheur du matin

En laissant refroidir les braves mécaniques.
Des hôtels accueillants, des chalets innombrables
Se blottissaient dans l'ombre des arbres vénérables.
Au "Pic des Trois Moineaux", à "Belkreit", à Kerrach",
Le regard portait loin, à l'est, jusqu'à "l'Harrach",
A l'ouest, le CHENOUA, accroupi dans la mer,
Nous évoquait CAMUS. L'air était si limpide
Qu'on distinguait, au nord, la fumée d'un steamer.
"La Pointe des Blagueurs" offrait sa vue splendide:
Au soleil déclinant clignotaient des lumières
Et les faisceaux des phares balayaient la campagne,
Alors que, souveraine, au pied de la montagne,
BLIDA s'assoupissait au creux de ses feuillages,
Entourée de sa Cour de tout petits villages.
Tout respirait la paix et la sérénité,
On parlait à mi-voix, goûtant avec respect
Ce crépuscule des dieux et cette éternité.
Le charme de CHREA montrait d'autres aspects:
Du "Pic ABDELKADER" jusqu'au col de "CHABANE"
Et du chalet "LEBEAU" au "Plateau des Fougères",
Les géants centenaires argentaient l'air diaphane
Couvrant d'une ombre dense les charmentes clairières
Où, au printemps, pensées, violettes, oeillets sauvages,
Tapissaient l'herbe rase du riant paysage.
Confondus aux écorces, des papillons nocturnes
Evitaient, affolés, notre approche importune.
Quand un brouillard épais rendait fantomatiques
Les ramures bleutées de la cédraie antique
On entendait souvent, déchirant le silence,
L'appel d'un geai criard dans la forêt immense,
Alors que nous errions, tout désorientés,
En n'apercevant plus la trace du sentier.
Où sont la "PLACE BRESSON" et son fameux chameau?
Le bruissant "Ravin Bleu", sa source GIORDANO ?
Les jeunes faisaient, en bande, de longues excursions :
"TALAKAT", "Les Deux Cèdres", "GUERGOUR", "La Cressonnière".
Souvent, le samedi soir, on dansait chez "BARON".
Parfois, le clair de lune inondait de lumière
La nappe cotonneuse d'une mer de nuages,

Un chacal glapissait... Souvenirs d'un autre âge...   
Les cimes étincelaient sous leur manteau d'hiver
CHREA était superbe...CHREA, c'était hier ...