23 JUILLET 1870-1970 Le Centenaire de Blida
Notre première prise de contact. Le 14 juin 1830, les premières troupes françaises mettait le pied sur le sol de Sidi-Ferruch; le 5 juillet, sur celui d’Alger. Dix-neuf jours après, le 23 juillet 1830 — il y a cent ans aujourd’hui même un détachement de ces troupes mettait pour la première fois le pied sur le sol de Blida. Le Tell, qui y compte soixante-sept ans d’existence, se doit de commémorer, avec quelques détails cet historique anniversaire. Le Lieutenant Général de Bourmont ayant appris du Dey, lui-même, qu’il devait se méfier de Mustapha ben Ylezrag, bey du Tittery et apprenant qu’un convoi important de bœufs destinés au corps de débarquement avait été enlevé à son instigation, résolut de pousser une reconnaissance jusqu’à Blida. A cet effet, il forma une colonne de mille hommes dont il prit lui-même le commandement. Elle était placée sous les ordres du Général baron Hurel, qui commandait la 2e brigade de la 3e Division du Corps de débarquement. Cette reconnaissance était composée d’un bataillon du 9' Régiment d’infanterie légère, de deux compagnies du 23e Régiment de Ligne, d’une du 39e de Ligne et d’une du 34e ; d’un escadron du 13e Chasseurs à cheval ; de deux pièces de 8, de deux obusiers de campagne, et d’une compagnie de sapeurs. Le général de Bourmont se fit suivre d’un brillant et nombreux état-major ; il avait avec lui son chef d’état-major, le général Desprez ; son aide de camp, le commandant de Trélan ; le capitaine Delamyre et le lieutenant de Biencourt, ses officiers d’ordonnance ; il y avait, en outre, le général Des Cars et le général d’artillerie Lahite l’interprète Braciviz, qui avait été l'interprète de Bonaparte en Egypte ; le syndic d’Alger, Hamdan ben Secca. Le général permit à plusieurs officiers étrangers, curieux de connaître Blida, dont la réputation de charme et de beauté était parvenue jusqu’à eux, de se joindre à lui ; ce furent : le prince de Schwartzenberg, officier autrichien, fils du feld-maréchal qui commandait en 1815 les armées de la coalition ; le colonel Fitosof, aide de camp du Grand-Duc Michel de Russie ; le baron Leclert, de Berlin ; sir W Manseil, capitaine de vaisseau de la marine anglaise. Cette petite colonne partit d’Alger le 22 juillet, déboucha sur la Mitidja en passant par l’oued Kerma, près de Bah Ali. Le général de Bourmont avec son escorte la rejoignit près de Boufarik et c'est en passant à Birtouta qu'il lui fut remis une lettre du dauphin, arrivée à Alger le matin même, lui faisant connaître son élévation à la dignité de maréchal de France. En arrivant au camp de la colonne, il y trouva une députation de citadins de Blida qui venait protester de la soumission des habitants et iui donner l’assurance de la vive satisfaction qu’ils éprouvaient en voyant arriver les troupes françaises. L’accueil qui fut fait à la colonne, le lendemain 23 juillet à Blida, ne démentit pas ces protestations de soumission. A peine le bivouac était-il établi, que les habitants s’empressèrent d’offrir à nos soldats des fruits et des boissons rafraîchissantes, des vivres, etc... Un bœuf ne coûtait que vingt-cinq francs et une douzaine de magnifiques oranges dix centimes. L’orge et la paille étaient dans les mêmes proportions. Blida était entourée d’une enceinte en pisé de quatre mètres de hauteur, formée en partie par le mur même des maisons et percée, aux quatre points cardinaux, de portes mises en communication les unes avec les autres par une large rue qui s’étendait tout le long des murailles ; elle était suffisante pour arrêter une armée sans artillerie. Les premiers officiers qui parcoururent la ville, dès le matin, remarquèrent de nombreuses maisons qui avaient été ruinées par le tremblement de terre de 1825 et n’avaient pas été reconstruites ; les rues se coupaient à angle droit el dans chaque coin se trouvait une fontaine. Sa population de 7.000 âmes se composait, en majeure partie, de serruriers, de tisserands, de maréchaux, cordonniers, taillandier, épiciers et marchands de tabacs ; il n’y avait presque pas de marchands d'étoffes. Il y avait, en outre, une quinzaine de moulins à blé, de nombreuses tanneries qui préparaient du maroquin, des teintureries, etc... Les marchands, qui étaient tout à fait rassurés à la vue des uniformes français, témoignaient néanmoins beaucoup d'inquiétude au sujet des montagnards dont ils appréhendait le retour. Pendant cette journée du 23, le relevé topographique de la ville et celui de ses moyens de défense furent soigneusement exécutés, sans incident. Le lendemain, 24 juillet, au matin, le maréchal de Bourmont, à la tète d’un bataillon du 9e Régiment d’infanterie légère et d’un détachement de chasseurs, poussa une reconnaissance jusqu’à six Kilomètres à l’ouest, sans être inquiété, mais au retour une escarmouche à l’arrière-garde attaquée par des Kabyles, coûta la vie d’un de nos fantassins. A 10 heures, le maréchal de Bourmont envoya le général Desprez, son chef d élai major, accompagné de deux officiers et de quatre chasseurs, pousser une reconnaissance à deux kilomètres vers les gorges de l’Oued-el-Kebir ; il ne fut pas attaqué mais il constata dans les montagnes de nombreux Kabyles armés qui l’épiaient. Cette attitude, les alarmes des habitants et l’insuffisance de ses effectifs pour opérer une battue aux environs, décidèrent le maréchal de Bourmont à se replier sur Alger dès le lendemain. A une heure de l’après-midi, deux canonniers conducteurs avaient été tués en a breuvant leurs chevaux dans un ruisseau qui baignait à l’ouest les murs de Blida ; plusieurs fantassins qui se promenaient sans défiance dans les jardins furent aussi tués. Le commandant de Trélan, aide de camp du maréchal, au bruit des coups de feu, s’étant avance pour reconnaître ce qui se passait, ne reçut une balle dans le bas-ventre, blessure mortelle. De tous côtés partaient des coups de feu ; les haies, les buissons cachaient de nombreuses embuscades. Le lendemain, 24 juillet, à la première heure, la petite colonne gagna la plaine sans obstacle. Mais on vit bientôt une grande multitude d’Arabes, de Kabyles, à pied et à cheval, se ruer sur ses flancs. L’avant-garde, serrée de près, eut recours à ta baïonnette pour repousser les assaillants. Le prince de Schwartzenberg avait mis pied à terre et tua un Arabe de ses mains. La cavalerie, toutes les fois que nos troupes étaient serrées de trop près, chargeait avec vigueur et le jeune prince Pomartowski, fils d’un magnat de Hongrie, qui était maréchal des logis au 13e Chasseurs à cheval, s’y fit remarquer. Dans une de ces attaques, le maréchal de Bourmont mit lui-même l’épée à la main et dégagea le général Desprez, son chef d état-major, qu’entouraient des cavaliers arabes. Les chevaux étant très fatigués par les charges successives, le maréchal fit donner ses pièces de campagne qui, bien ajustées, abattirent un grand nombre d’assaillants. Ce coup de vigueur les déconcerta et ils s’enfuirent dans leurs montagnes ; la colonne rentra paisiblement a Alger, ayant perdu quatre-vingts hommes. Le soir même, le maréchal de Bourmont eut de deux Arabes la confirmation que Mustapha ben Mezrag, bey du Tittery, était l'instigateur de l’attaque de notre colonne. N’ayant pu obtenir que la ville de Blida soit placée sous son autorité, il avait lait courir le bruit que, sous prétexte de visiter Blida, les Français venaient pour saccager le pays, détruire les moissons, emmener en esclavage les habitants, etc... Il n’en fallut pas plus pour exciter contre nous les montagnards. Quant aux citadins de Blida, ils constatèrent que nous venions à eux loyalement, payant honnêtement sur place les denrées nécessaires à nos troupes et respectant leur religion. Plusieurs familles blidéennes, craignant des représailles, se réfugièrent dans le camp de Boufarik et à Alger... En ce jour du 23 juillet, nous devons accorder un souvenir de reconnaissance aux soldats qui, il y a cent ans, entrèrent pour la première fois dans Blida, et un souvenir ému au commandant de Trélan et aux soixante-dix neuf braves morts pour la France et pour Blida. Commandant ROCAS.
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LE CENTENAIRE DE BLIDA
DEUXIEME OCCUPATION
Nous avons relaté dans Le Tell du 23 juillet dernier que le même jour, il y a cent ans, les troupes françaises mettaient pour la première fois les pieds dans la ville de Blida, simple reconnaissance qui une fois sa mission terminée, rentra à Alger, non sans combats meurtriers. Le 2 septembre 1830. le général Clauzel prit le gouvernement général de nos possessions nord-africaines et le commandement en chef de l'armée. L'esprit d'insurrection se manifestait un peu partout et les chefs les plus considérables se tenaient dans les provinces d'Alger et du Tittery ; à l’est le marabout Ben Aïssa ben Zamoun. chef des tribus des Flissa ; à l'ouest, à Koléa, la famille de M'Barek ; à Cherchell, le marabout El Berkani ; mais de tous, le plus redoutable était à Médéa. le bey de Tittery, Bou Mazrag (le porteur de la lance) qui avait déjà défié le maréchal de Bourmont. Ce fut sur ce dernier que le général Clauzel décida de frapper les premiers coups et il décida de l'attaquer à Médéa même, après avoir proclame sa déchéance et avoir nommé à sa place un maure d’Alger, de grande distinction : Mustapha ben Omar. Le corps expéditionnaire, dit de l'Atlas, fut composé de huit mille hommes placés sous le commandement immédiat du général Boyer ; il était composé de douze bataillons pris dans chacun des régiments de l'armée, de deux escadrons du 13e Chasseurs, d’un bataillon de Zouaves récemment créé, de deux compagnies de sapeurs, d’une batterie de campagne et de six pièces d’artillerie de montagne. Il formait trois brigades commandées par les généraux Achard, Monck d'Uzer et Hurel ; le colonel Admiraut commandait l’artillerie. Le général Clauzel dirigeait personnellement les opérations. Le 17 novembre 1830 l’année se mit en marche. Faisaient partie de l’Etat-major : l'agha d’Alger, ses officiers et ses gardes et le nouveau bey du Tittery, tout ruisselant d’or et aussi, un jeune Mamelouk : You- souf, récemment arrivé de Tunis, encore inconnu, mais qui devait plus tard brillamment accéder aux étoiles de général de division. L’armée bivouaqua sans coup férir, à Boufarik, pour se porter sur Blida le 19 novembre. Elle arriva, toujours sans être inquiétée. en vue de la ville et on aperçut une ligne de deux kilomètres d’Arabes armés, à cheval, dont la droite s’appuyait aux montagnes et la gauche sur la route de Koléa. Le général Clauzel fit prendre à son armée un front aussi étendu que le sien et envoya Yousouf en parlementaire. « Dis à ton général, lui répondit un chef, que c’est au bey du Tittery qu’il a affaire, nous sommes décidés à lui refuser l’entrée de notre ville. Qu’il se porte sur Médéa et qu’il nous laisse «tranquilles, s’il ne veut exciter notre colère ». En présence de ces insolentes paroles le général Clauzel donna l'ordre à la brigade Achard de tourner Blida par la droite et de l’attaquer entre les chemins de Koléa et de Médéa, pendant que la brigade d’Uzer s’avançait directement par la route d’Alger. Malgré la résistance des Arabes cachés dans les jardins et dans le bois des oliviers, le lieutenant de voltigeurs d’Hugues parvint à escalader le mur d’enceinte, mit en fuite ses défenseurs et ses habitants et fit ouvrir les portes aux deux brigades. Le général en chef jugea prudent d’occuper Blida mais il dut ordonner le dérasement des jardins qui l’entouraient, afin de laisser les vues nécessaires à la défense. Quand les habitants, qui s’étaient réfugiés dans les montagnes, apprirent ces inexorables et nécessaires déblaiements, il envoyèrent une députation pour demander d’y surseoir. Une soixantaine de Kabyles, pris les armes à la main et qui avaient été surpris tuant des soldats du Train et d’autres, détournant le lit de l’Oued-el-Kebir, furent condamnés à mort. Parmi eux se trouvait le mufti ; mais son sang-froid en sauva la majeure partie. « C’était bien la peine, dit-il en marchant au supplice que je me sacrifiasse pour les chrétiens ; j’étais sur le point de rallier toutes les tribus environnantes et ils me fusillent ». Un interprète vint aussitôt rapporter ces paroles au général Clauzel qui ordonna de surseoir à son exécution. Mis en liberté sur paroles, il ramena à Blida plusieurs chefs kabyles qui s’engagèrent à ne plus porter les armes contre les Français, promesses éphémères, mais qui facilitèrent l’expédition. Le 20 novembre la colonne se dirigea sur Médéa par la Chiffa et le Mouzaïa, en laissant à Blida deux bataillons et deux pièces de canon sous les ordres du colonel Rulhiéres. Le général Clauzel arriva le 22 à Médéa. après de glorieux combats et le 23, Bou Mezrag se présenta devant le général en chef, lui prit la main, la baisa trois fois avec grand respect en disant chaque fois: «pardonne-moi». — « Tu ne le mérites pas, répondit le généra] Clauzel, car tu as trahi tes serments. » — « C’est vrai, répondit-il, j’ai commis une grande faute, mais aussi cette faute ne t’a-t-elle pas procuré la gloire de me vaincre sur l’Atlas et de planter « tes drapeaux triomphants sur les cimes « les plus élevées de nos montagnes ? » Celte adroite réponse valut son pardon ; Bou Mezrag fut gardé à vue et envoyé plus tard en France où il résida, avant d’être autorisé à se rendre à Smyrne . Le 25 novembre on installait le nouveau bey du Tittery. Pendant ces événements, la garnison de Blida, forte seulement de huit cents hommes avait été sérieusement attaquée par les Kabyles, sous les ordres de Ben Zaïnoun ; ils parvinrent à occuper quelques quartiers el à faire flotter leurs drapeaux sur les murs. Ici se place l’épisode relaté par le maréchal de Mac-Mahon, alors lieutenant au 20e d’infanterie de ligne et officier d'ordonnance du général Achard, dans ses « Souvenirs d’Algérie publiés récemment par la Revue des Deux Mondes. Le colonel Rulhiéres n’occupait plus que quelques maisons près de la porte d’Alger et la grande mosquée, transformée en hôpital et magasins qui était située sur l'emplacement occupé aujourd'hui par l'immeuble de la Brasserie Maxeville, au bas de la place Clemenceau ; cette mosquée devait devenir plus tard la première église de Blida « Lorsque Clauzel, écrit Mac-Mahon, arrivait à la ferme Mouzaïa, l’ennemi, qui redoublait d'efforts, entoura la mosquée et parvint à enlever une pièce d’artillerie qu'il transporta en dehors de la porte. Quelques-uns des Kabyles la dirigèrent contre la mosquée, mais manquant » d'ètoupilles ils ne purent parvenir à l’utiliser. Un officier d'administration, Gastu voyant les préparatifs de l'ennemi et craignant que son magasin ne fut enlevé, réunit plusieurs artilleurs valides et se précipitant sur les Kabyles réunis en grand nombre, près du canon,.les « força à reculer. Tournant alors contre eux la pièce chargée à mitrailles, il y mit le leu et cette décharge, presque à bout portant, produisit un grand effet et mit en fuite les assaillants, puis elle fut dirigée contre ceux qui occupaient la grande rue de la ville et les rejetérent en arrière ; le colonel Rulhières poussa deux compagnies dans cette rue pour rejoindre la mosquée. Gastu fut, de ce haut fait, félicité par « Clauzel et il fut, sur sa demande, versé dans l’armée active. Capitaine dans un des escadrons indigènes de nouvelle formation, il devint un des généraux de cavalerie des plus distingues. Un neveu de ce brillant officier général fut député d’Alger ; son nom «le Gastu a été donné à un village du département de Constantine, où son fils, ancien avoué, est à la tête de l’importante société des mines de cuivre, de plomb et de zinc de Sidi Kamber et de Bir ben Sahah ; sa tille avait épousé M. Gouttebaron, le regretté et distingué avocat d’Alger. Le colonel Rulhières, pendant ces événements, avait envoyé deux compagnies de grenadiers pour prendre les assaillants en queue. Surpris par cette attaque imprévue, ces derniers crurent avoir affaire à toute l’armée revenant de l’Atlas. Le muezzin d’une mosquée contribua à les confirmer dans cette erreur en criant : Voici les Français ! Ils s’enfuirent en désordre vers la Mitidja. Le 28 novembre, le général Clauzel etsa colonne entrèrent dans la ville ; puis, le général en chef, après avoir visité en détail tous les quartiers, ainsi que les approches de la place et reconnu qu’il n’y avait aucun avantage à l’occuper définitivement, fit reprendre à son monde la route d’Alger. Bon nombre d’habitants de Blida, redoutant les Kabyles qui les avaient si souvent pillés et maltraités, demandèrent à suivre l’armée. Touché de leurs souffrances, le général Clauzel fit mettre à leur disposition les mulets de bât et les prolonges que ne réclamaient pas les besoins du service et le 29 novembre 1830 les brigades Hurel et Monck d’Uzer rentraient à Alger, n’ayant plus les apparences d’une armée, mais celles d’une caravane. La brigade Achard accompagna en reconnaissance sur le Mazafran le général Clauzel, qui ne rentra à Alger que le 30. Ce n'est que le 3 mai 1838 que Blida fut définitivement occupée. Cet événement et ceux qui le précédèrent feront l’objet d’un prochain article. Commandant ROCAS.
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Occupation définitive de Blida
En commémorant dans nos derniers articles (1), le centenaire de la première reconnaissance de Blida, le 23 juillet 1830 et son occupation passagère du 20 au 26 novembre 1830, nous avons annoncé que nous relaterions les événements qui se produisirent les années suivantes jusqu'à l’occupation définitive de notre ville, le 3 mai 1838. Le général Berthezène remplaça, le 20 février 1831, le général Clauzel, rappelé en France à ia suite de l’erreur qu’il avait commise, sans l'assentiment du Gouvernement. de placer à Oran, en qualité de gouverneur, un lieutenant du Bey de Tunis qui avec une poignée de soldats mal équipés, commit tellement d’exactions qu’il réveilla les vieilles haines des anciens sujets de l'Odjak d’Alger. En juin 1831 le général Berthezène prit la tête d’une nouvelle expédition sur Médéa. mais il ne s’y maintint pas, nos effectifs, dans nos possessions, étant réduits à 9.300 hommes, par suite de l'incertitude où l’on se trouvait du maintien de la Paix en Europe et aussi d'une indication bien hasardée de Clauzel qui avait déclaré, dans un rapport, qu'on pouvait rappeler en France douze divisions sur dix-huit. Aucune action n’avait été faite à Blida sous le gouvernement du général Berthezène qui, rappelé en France, fut remplacé en décembre 1831 par le général Navary, duc de Rovigo, ancien ministre de la police. Proscrit après le désastre de Napoléon, dépouillé de ses majorats, ayant dissipé le reste de sa fortune à l’étranger, ce fut à titre de compensation des pertes subies. lors de la dévolution de Juillet, qu'il fut placé à la tête de nos possessions de l'Afrique du Nord. Façonné à des habitudes arbitraires, il devint bien vite impopulaire, surtout près des indigènes qu'il ne traitait pas toujours avec justice. Il provoqua un nouveau soulèvement des tribus. Le général Faudéas fut chargé de les disperser et de se saisir de l'agha Sidi Mahiddin M’barek, qui avait soulevé Coléa, Blida et Miliana ; ce dernier s'enfuit dans le Sud. Le duc de Rovigo qui ne se trouvait pas encore assez vengé, frappa ces trois villes d'une contribution de douze cent mille francs, contribution qui resta sans effet, car elle n’était pas en rapport avec les ressources des habitants. Il dirigea alors une nouvelle expédition sur Blida où les troupes entrèrent le 20 novembre 1832 ; les habitants s’enfuirent avec leurs richesses ; après avoir renversé une partie des murailles, la petite colonne rentra à Alger. En mars 1832, le duc de Rovigo rentre en France. Le 29 avril 1837, le général comte de Damrémont, qui lui avait succédé, pénétrait à Blida avec trois brigades, châtia les habitants qui avaient ostensiblement envoyé une députation à Abdel Kader pendant que celui-ci cherchait à soulever la Province de Tittery. Les chefs firent aussitôt leur soumission et on leur prescrivit d’organiser une milice urbaine, d’établir des postes de sûreté et d’interdire leur ville aux maraudeurs qui venaient sans cesse s’y réfugier. On reconnut dans cette excursion le cours de la Chiffa, Coléa, l’embouchure du Mazafran, etc. Ce fut le 3 mai 1838 qu’on prit définitivement possession de Blida, afin de compléter l’occupation, depuis l’oued Kedara jusqu'à La Chiffa. Le maréchal Vallée, qui avait remplacé le général de Damrémont, tué au siège de Constantine, fut reçu aux portes de la ville par le Hakem de Blida, le caïd des Beni-Salah et l'ancien caïd des Hadjoutes, qui l'accompagnèrent dans la reconnaissance qu’il fit autour de la ville. Deux camps furent établis : l’un dit Camp supérieur, à l’ouest, et l’autre Camp inférieur, qui s'étendait du blokaus de Beni-Méred au Camp supérieur. L’occupation de la ville ne fut effectuée que petit à petit, afin de prévenir les accidents, les collisions avec les habitants et la dévastation des jardins. L'enceinte fut réparée et crénelée ; on établit un poste à la porte d’Alger ; on construisit dans le lit de l’Oued-el-Kebir un barrage en maçonnerie afin d’assurer à la garnison la possession de l’eau qui lui était si souvent disputée par l'ennemi. Les hauteurs de Mimich et de Nesroui furent garnies de blockhaus. Les habitants, rassurés, rentrèrent peu à peu et reprirent leurs travaux si longtemps interrompus. La possession de Blida nous rendit maîtres des chemins qui, de ce point central, conduisaient à Médéa et dans toutes les directions à l’Est et à l'Ouest. C’est en 1842 qu'on créa les trois centres de population dans le district de Blida : 1° Montpensier, au Nord, dans l’ancienne enceinte du Camp inférieur, dont le territoire de 240 hectares fut destiné à vingt familles ; 2° Joinville, à l'Ouest, dans l'enceinte du Camp supérieur avec 432 hectares, destinés à cinquante familles ; 3° Beni-Méred, avec 200 hectares, pour vingt-deux familles. Le Blida de nos jours, la ville des Roses, avec ses jardins parfumés, ses orangeries, ses vergers, ses industries, etc., contribue largement à payer à la Métropole ses sacrifices, du temps de la Conquête.
Commandant ROCAS.
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