SOUVENIRS BLIDEENS
VIII
Les abattoirs - Le champ de manœuvre - Les courses ****** Entre le Bois Sacré et l’Oued-el-Kebir, en bordure de cette rivière, se trouvent les abattoirs de la ville, un des plus vieux établissements de Blida remaniés rafistolés, ils n’en ont pas moins une installation défectueuse au point de vue de l'hygiène des ouvriers et de la propreté ; des abattoirs modernes s'imposent. Dans son ouvrage sur Blida, le colonel Trumelet décrit l’aspect riant de la place qui précède ces abattoirs, toute plantée de magnifiques platanes. Cette petite place a toujours son même joli aspect, mais le petit tertre signalé à gauche par Trumelet et qui servait de lieu d'exécution des condamnés à mort, n’existe plus depuis plus de cinquante ans. Le lieu des exécutions avait été transféré dans le lit même de l'Oued-el-Kebir ; on y accédait par la petite rampe qui existe toujours à côté du petit boqueteau d'eucalyptus qui fait suite aux dernières villas édifiées en face du Bois Sacré La où les poteaux d'exécution n'étaient pas fixés à demeure ; on ne les plaçait qu’à chaque exécution qui, autrefois — à l'époque où siégeait à Blida le 2em conseil de guerre de la Division d'Alger — se répétaient souvent. Après la guerre de 1870 après la commune, après l'insurrection de 1871, les conseils de guerre jugeaient d’une façon très sévère. Aujourd’hui, il n’en est plus de même, et il y a beau temps qu’il n'y a pas eu d'exécution dans le lit de l’Oued-el-Kebir. En suivant l'avenue Bizot, on parvient au grand champ de manœuvres. Ce grand terrain, qui est aujourd'hui amputé, au sud-ouest d'une partie qui est affectée à un jardin potager militaire, a servi, depuis 1876 et pendant de nombreuses années , de champ de courses ; les tribunes étaient édifiées sous les platanes, du côté de la route de La Chiffa. Cet emplacement, à côté de la ville, était très apprécié des turfistes qui s'y rendaient avec facilité par les beaux ombrages de l'avenue Bizot, ou par ceux de l’avenue de La Chiffa. La Société des courses crut devoir l'abandonner, sous le prétexte que le sol était trop dur, mais surtout, dit-on, à la suite de quelques conflits avec l’autorité militaire, au sujet de la piste ameublie. Le champ de courses fut établi alors sur le terrain communal de Joinville ; il était plus étendu, avec un sol meilleur, mais son éloignement gênait beaucoup le public. De très belles tribunes en bois y avaient été construites, face aux montagnes ; on jouissait ainsi d’un panorama splendide. La donation, par la commune, de ce terrain à la Colonie, afin d'y installer un asile d'aliénés, amena la suppression de la société des courses. Avant cette suppression définitive, la société des courses de Boufarik avait bien voulu prêter à sa voisine son magnifique terrain de Xila, en attendait l’acquisition d'un terrain à Blida Ce dernier projet ne put aboutir et, pour ne pas revenir au terrain de manœuvres — ce qui a été fâcheux — tout fut supprimé. Les revues du 14 juillet si passaient parfois sur le champ de manœuvres ; cela dépendait de l'arme du colonel commandant d’armes : s'il appartenait au 1er Tirailleurs, les revues se passaient sur la place d’Armes, la cavalerie étant massée sur la place Lavigerie; le défilé général se faisait dans les rues Tirman et Lamy. La tribune officielle faisait face à la rue d’Alger, où se plaçait le commandant d'armes. S’il appartenait à la cavalerie, les revues se passaient sur le terrain de manœuvres ; la tribune officielle était édifiée du côté de la route de La Chiffa. Sur ce terrain, le 1er Chasseurs d’Afrique évoluait à l'aise et terminait toujours la cérémonie par une charge en lignes sur les tribunes avec arrêt brusque et présentation du sabre, mouvement qui eut toujours beaucoup de succès, comme à Longchamps. D’autres spectacles eurent lien sur ce terrain : feux d'artifice pour le 14 juillet ou la fête locale, fantasias, etc., et lorsque le roi d’Angleterre Edouard VII vint à Blida, on lui donna celui d'une petite action de guerre qui se déroulait du lit de l’Oued-el-Kebir et de la traverse de La Chiffa au terrain de manœuvres, avec beaucoup de bruit, de charges en fourrageurs, c'est à dire avec toute l’invraisemblance habituelle de ces opérations Cette brillante exhibition de troupes fut toutefois gâtée par un temps affreux. Autrefois, aux environs de 1874, il n’y avait pas que les escadrons de Chasseurs d'Afrique qui évoluaient sur le terrain de manœuvres ; à l’entrée, près du blockhaus, il y avait aussi un escadron de... .canards pataugeant dans un petit étang aménagé pour eux avec l’eau d irrigation. Leur propriétaire y tenait un café-restaurant très apprécié de la troupe et aussi des officiers, car l’hôtelière avait une réputation très justifiée d’excellente cuisinière et elle pratiquait surtout l’art d'accommoder. on ne pouvait mieux, et aux olives les individus de cet escadron aquatique.
Commandant Rocas
Le Tell du 6/7/1927 |