Le faubourg d’Alger

Le pin d’Alep

Le corps de garde du Hakem

 

Ce faubourg doit son nom à sa situation après la porte d'Alger, aux environs de la route qui conduit à ce lieu.

Lors de l’occupation définitive de Blida en 1838, cette route n’existait pas telle que nous la voyons ; elle ne fut construite que plus tard, après le premier tronçon Alger-Boufarik, qu’on doit au lieutenant colonel Voirol, dont une colonne au haut de Mustapha-Supérieur, commémore les bienfaisants travaux de cet officier général du corps du génie.

IL n’existait qu’une piste muletière qui passait par le cimetière arabe aujourd’hui déclassé, mais qui subsiste toujours, à droite de la route de Dalmatie, près du marabout de Sidi-Mohamed Moula ed Trigu (le maître du chemin).

Cette piste se continuait au-dessus du cimetière européen actuel et empruntait le flanc des premiers contre-forts des Beni Salah, jusqu’au village arabe des Ouled Slama, entre Rovigo et l’Arba, et remontait de ce dernier point (Souk-el-Arba, le marché du mercredi) jusqu’à Alger par Bordj-Kouba.

Un autre chemin muletier venant de Médéa par la Mouzaïa, se dirigeait directement sur Boufarik par la plaine qui était entièrement couverte de broussailles et de palmiers nains ;  un chemin s’en détachait, au point appelé aujourd’hui le Moulin-Brûlé, pour desservir Blida : il existe toujours.

C’est sur le chemin de Médéa à Boufarik que fut assailli le sergent Blandan, à un point où ce chemin traverse près de Béni-Méred un petit ravin appelé « Chabet-Bioudi », où les nombreux cavaliers Hadjoutes s’étaient embusqués.

Les voyageurs qui passent près de la route d’Alger, près de la pierre commémorative de l’affaire Blandan, peuvent constater que le petit ravin est pour ainsi dire invisible.

Pour le prouver, le général Rapp qui commandait les évolutions de cavalerie dans cette plaine, en 1894, fit placer au long du thalweg de ce ravin : trois régiments de cavalerie en colonne de demi-peloton : les 1ier et 5ième  chasseurs d’Afrique et le 1ier Spahis ; à 300 mètres du bords du ravin (j’étais à côté du général) , on ne voyait pas un seul de ces 1200 cavaliers. Ceci explique la surprise dont a été victime le brave Blandan et ses compagnons !

 

De Boufarik à Alger, le chemin muletier suivait à peu près le même tracé  actuel, mais en laissant au Nord les marais de l’oued Mendil.

 

En sortant de la porte d’Alger sur la gauche une très belle orangerie avec, dans le fond, une fort jolie maison mauresque ; c’était la résidence de l’agha des arabes sous domination turque.

Ce fut dans cette maison qu’un des plus renommés d’entre eux, l’agha Yaya, depuis dix années en fonction fut, en 1828, étranglé par ordre de Hocéin Pacha, à la suite d’intrigues longuement narrées par le colonel Trumelet, dans son ouvrage intitulé « BLIDA ».

C’est l’agha Yaya qui, à la suite du tremblement de terre qui avait détruit Blida en 1825, fit entourer d’un mur  l’emplacement d’une nouvelle Blida entre Montpensier et Joinville, on voit encore les vestiges de cette muraille, faite pour mettre les habitants à l’abri des incursions des hadjoutes, mais cet enclos ne servit guère, car la ville fut construite sur son ancien emplacement. Il vient d’en être de même pour Saint Pierre de la Martinique, ce qui prouve que l’homme oublie vite.

L’agha des Arabes avait, sous ses ordres le hakem, sorte de maire de la ville de Blida, qui avait sa demeure dans la cité même. Le dernier hakem demeurait, vraisemblablement sur l’emplacement occupé actuellement par la synagogue, car son corps de garde de janissaires subsiste toujours rue Gueydon, en face de la mosquée  Hanifite.

Il a servi un moment de café maure et même à une exposition du peintre Ortega ; aujourd’hui c’est un grilleur indigène de café qui l’occupe et qui, ô progrès !… y a installé la force électrique.

Ce local, avec ses vieilles colonnades, ses bancs de pierre, ses petites fenêtres grillagées à la turque, est le seul vestige que nous possédions de l’ancien Blidah ; les touristes ne manquent pas de le visiter, et on y voit, surtout, des peintres derrière leur chevalet ; il mériterait d’être classé comme monument historique.

 

La belle orangerie des aghas des  Arabes devint la propriété de la famille Gonin et, plus tard, du gendre, M. Pelletier ; le jardin était alors fort beau et bien entretenu.

Presqu’au centre se trouvait et se trouve encore un superbe pin d’Alep dont les basses branches ont malheureusement disparu.

C’est à ce pin que les Turcs pendaient les criminels de marque.

 

Lors de leur entrée à Blida, nos troupes remarquèrent des cordes qui y étaient encore fixées.

Un arbre servait également de gibet à l’angle du petit Robinson.

On pendait aussi aux créneaux des murs de la ville, près de la porte d’entrée, au moyen d’un bâton retenu en croix, comme l’indique Trumelet.

Suivant sa caste et son origine, on était donc pendu soit au pin magnifique, soit à l’arbre, soit aux créneaux.

Les cartes postales de Blida représentent ce pin historique, et notre regretté collègue Combredet avait, avec raison, fait émettre, par le Conseil Municipal, un vœu pour qu’il soit classé comme monument historique.

Malgré l’unanimité de ce vœu, aucune suite n’y fut donné en haut lieu.

Cette belle propriété est aujourd’hui allotie ; mais dans le plan d’alignement approuvé par le préfet une petite placette est prévue au pied de ce grand pin, ce qui lui conservera, nous le souhaitons, une longue existence.

Il abritera un coin tranquille où les promeneurs y trouveront des bancs afin de s’y reposer, et les enfants un petit espace pour s’y ébattre sans danger.

 

Commandant Rocas