Le dépôt de Remonte et d’Etalons
Au nord de la place d’Alger, qui précède la porte du même nom, se trouve le Dépôt de remonte et le haras militaire du département d’Alger. Cet établissement
fut édifié sur un ancien cimetière musulman, et pendant longtemps a subsisté,
près des cuisines actuelles, le tombeau d’un santon, abrité sous un grand arbre
sacré ; tout a disparu aujourd’hui. Dès 1844, le
maréchal Bugeaud avait organisé, par province, des petits dépôts
d’étalons ; celui d’Alger fut d’abord placé à Boufarik ; puis à
Koléa. Ces dépôts ne
contenaient que les étalons dits de tribus, achetés par ces dernières. Ils étaient
nourris aux frais de l’état et pendant la saison froide, ils quittaient
les tribus pour les grouper dans les
dépôts, où ils recevaient les soins des cavaliers de remonte, puis s’en
retournaient dans les tribus pendant la saison de monte où ils se trouvaient
sous la surveillance directe des Bureaux Arabes. Ce n’est qu’en
1852, grâce à l’initiative du Général Daumas, un des plus grands connaisseurs
en chevaux de l’époque, que fut créé à Blida le dépôt de remonte aujourd’hui
joint au haras militaire. L’utilité des
haras fut importante car, sans eux, la race barbe qui après conquête, était en
régression marquée au point de vue qualité, aurait dégénérée d’une façon absolu
au détriment de la colonisation et de l’armée. L’indigène
insouciant donnait alternativement à ses juments le baudet ou le cheval, et
souvent, quel cheval ! Si bien que la race, déjà imprégnée du baudet,
devenait de plus en plus grossière, mais grâce aux haras, l’influx du pur-sang
arabe, communément appelé syrien, l’ancêtre de toutes les races du globe, lui
redonna du sang et remédia à ses lignes communes, tout en lui conservant ses
admirables qualités de résistance et de rusticité. On a souvent agité
la question de remplacer les haras militaires par des haras civils, mais on a
dû y renoncer en raison du coût énorme qui s’en suivrait. Dans les
métropoles, les haras civils font payer les saillies de leur géniteur, tandis
qu’en Algérie, et on en comprend la raison, elle est donnée gratuitement. Les
étalons sont répartis par petits postes dans toute la Colonie et les cavaliers
de remonte s’accommodent à très bon
compte pour l’Etat des rudes et pénibles stations dans des régions éloignées et
privées de ressources, tandis qu’il n’en serait pas de même avec des
palefreniers de haras. Le dépôt de
remonte et d’étalons de Blida, s’il est d’une étendue moindre que ceux de
Mostaganem, de Constantine et de Tébourba, en Tunisie, n’en est pas moins le
plus coquet de ces établissements hippiques. Ses cours sont bordées de
magnifiques platanes et d’acacias ; ses allées bien entretenues, ses
jardins, ses tonnelles lui enlèvent l’aspect rébarbatif habituel des casernes. On y voyait en
entrant, autrefois, une immense cage entourée de fleurs et remplies d’oiseaux
de toutes sortes ; disparue aujourd’hui elle a été remplacée par un fort
joli bassin avec jet d’eau : le pédiluve qui était entre cette cage et le
bâtiment des hommes qui étaient incommodés
par les odeurs malsaines qui en émanaient, a été déplacé. Un joli troupeau
de gazelles égayaient les cours par leurs ébats, leurs bonds prodigieux. Il y avait
également dans la cour du haut une grande cage solidement grillagée qui
contenait une dizaine de singes de la Chiffa ; on y avait installé des
trapèzes, anneaux et autres agrès de
gymnastique, et nos jeunes amis de la « Jeanne d’Arc » et de «Blida
Gymnaste » ne seront pas jaloux, quand je leur dirai qu’ils excellaient
dans leurs exercices. Un beau matin, les
grillages, pourtant fort solides, furent brisés et nos singes s’égaillèrent sur
les toits des maisons voisines et tout particulièrement sur celui du Trésor, où
ils mirent à mal de nombreuses tuiles…. Cela en fut une pour le commandant de Colonjon,
commandant le dépôt ! On put, mais non
sans peine, les recueillir et les recoffrer, mais peu à peu on les laissa
disparaître. On en conserva un
très longtemps à l’attache dans la cour de l’infirmerie vétérinaire. C’était un vieux
barbon, du genre de « Pompon », le chef de la tribu de l’aimable
Panain, au Ruisseau des Singes. IL parvint un jour
à casser sa chaîne et il se rendit dans le magasin de l’épicier indigène
voisin, à l’angle des rues Fourrier et Zaouïa. Prudent ce dernier abandonna son
magasin à ce singulier client qui en profita pour déchirer d’innombrables
boîtes de sucre, de pâtes alimentaires et de bougies ; lorsqu’on put le
reprendre, le sol de l’épicerie était jonché de débris et de nombreuses bougies entamées à coups de
dents ; ce fut un petit désastre, auquel il fallut remédier. Un touriste
anglais qui avait assisté à cette joyeuse équipée, s’offrit à emporter cet
indésirable singe, et il lui fut donné avec le plus grand empressement. Le commandant
actuel de l’établissement, le sympathique commandant de Bordesouille, en avait
de nouveau placé quelques–uns dans cette grande cage. Ce dépôt de
remonte et d’étalons est le seul des établissements similaires dont l’accès aux
touristes est le plus facile, car il est situé dans la ville même ; les
autres le sont à plusieurs kilomètres des villes. Parmi les
personnalités marquantes qui ont visité ce fort joli haras, nous pouvons
signaler ; en 1865, l’empereur Napoléon III ; en 1898 : le roi
Léopold de Belgique ; en 1905 : le duc de Connaught, frère du roi
Edouard VII d’Angleterre ; le
prince Alexandre de Battenberg, la duchesse Béatrix, le prince du Danemark, la
duchesse de Schleswig-Holstein, etc etc …leurs noms figurent sur le livre d’or
de l’établissement.
Lors de son voyage
en Algérie en avril 1903, le Président Loubet y fit une longue station. On avait aménagé
en haut de la cours principale sous les platanes une élégante tribune décorée
de plantes vertes. Le chef de l’Etat,
accompagné de MM Fallière, président du Sénat, Bourgeois, président de la
chambre, Etienne vice président, Delcassé ministre des affaires étrangères,
Pelletan ministre de la marine, Marnejouls ministre des travaux publics, le
Goff maire, Bérard 1ier adjoint, les généraux Case et Menestrel,
etc, etc ….. Une cinquantaine des
plus beaux étalons défilèrent devant le Président Loubet qui parut y prêter un
très grand intérêt ainsi que son
entourage ; le Président Fallière sans doute fatigué par le voyage s’était
assoupi. Le défilé de ces
géniteurs du 1ier ordre, les plus beaux de leur race, est un
véritable régal pour les amateurs, les connaisseurs et même pour les simples
spectateurs. Ces défilés
étaient autrefois organisés pour des spectacles équestres : courses,
carrousels, etc, … les étalons pour cette
circonstance, étaient parés de surfaix et de cocardes de couleurs
différentes selon leur robe : bleue pour les alèzans ; blanche pour les noirs ; rouge pour les gris et jaune pour les bais ;
ils étaient tenus, chacun à bout de longe, par deux cavaliers. Ces
intéressantes exhibitions avaient toujours un très grand succès. Commandant ROCAS
|