Article tiré du Tell 7 juillet 1923

EN FLANANT !

par Unroc de la Moselle.


Un de nos amis lecteurs nous a adressé la spirituelle chronique qu’on va lire. Il se propose de relater, avec autant d'humour, quelques autres faits locaux intéressants à signaler, que nous reproduirons toujours avec plaisir : J 'ai rencontré ce matin à l’angle de la rue d’Alger et de la place d Armes " La Fleur”. Qui ne connait “ La Fleur ” ? Point n'est besoin, je crois, de vous le présenter. Suivant sa louable habitude, le guide prime n° 1 du Syndicat d'initiative et de Tourisme de Blida me gratifia d’un large et bon sourire, porta la main militairement à son gueuour orné de fleurs fraîches, pendant que 1'autre soulevait d'un geste amical sa houlette enrubannée... Comme je mourais d’envie de 1'interwiever, je m arrêtai.

    "La Fleur" lui dis-je, le printemps est mort dans... l'eau, l'été boude encore. Il y a quelques mois en arrivant ici. on m’avait juré qu'à cette époque de l’année je serais aplati et suffocant par 50 degrés à l’ombre... Depuis longtemps, je me proposais de connaître les richesses qui font à ta ville un écrin de verdure. Mais hélas ! les bois étaient tristes, tristes comme le ciel. Le grand magicien, le soleil, n’était point là pour éveiller les mille chants des oiseaux, les mille bruits que le vent fait naître dans les branches non alourdies par la pluie... 

    Est-ce enfin l’été ? — Mon ami, me répondit-il, les temps sont changes ; oui, le soleil s’est fait rare cette annee. Chacun se demande pourquoi ! Les uns accusent vos inventions de sorciers, les autres s’en prennent violemment à l’Etna dont la conduite frise le dévergondage ; moi, je pense plutôt que le Marabout de la Place est indisposé contre vos fêtes et vos danses profanes. Tenez Monsieur, cette annee encore pendant trois jours de fêtes, la Place a été transformée en piscine et les danses... en douches... Allah est le plus puissant !... Comme je m'excusais de le retenir si longtemps, ses yeux bleus protestèrent et il continua : — Les touristes sont rares, la saison est trop avancée. Quel dommage, j’avais encore tant de curiosités à leur montrer... Ce matin, j ai appris par la bonne de la cousine de la concierge de la Mairie une bien mauvaise nouvelle. Approchez votre oreille, Monsieur ! Il parait que l’on va bientôt remplacer es boîtes qui servent à recevoir les lettres en ville ; les crédits sont votés et un gros bonnet de  haut — dit-il, en désignant du geste la rue Tirman — s’en occupe depuis l’an dernier... Elles sont en trop mauvais état, sans doute, Monsieur ! On ne peut plus y lire ce que vos ancêtres ont écrit dessus pour les heures de levées, mais qu’importe ! il y a tant d 'illettrés et ces boîtes, pensez quel sacrilège ! elles étaient aussi vieilles que les oliviers du Bois- Sacré !... Je sais même que dans celle de la route d’Alger, un nid de guêpes y a élu domicile... pourquoi vouloir tracasser ces petites bêtes ?..                                     Unroc de la Moselle.