SOUVENIRS D’UN ECOLIER  PENDANT LA GUERRE

par Pierre JOVER

 

RESTRICTIONS :

Pendant la guerre, il y avait évidemment des restrictions ;les familles avaient  reçu des tickets de rationnement pour les denrées les plus courantes. Plusieurs fois, ma mère travaillant, je suis allé au service du ravitaillement, rue du BEY retirer les précieux tickets qui nous permettaient de percevoir du pain ,de l’huile, du savon, etc ….J’allais aussi tous les jours, soit avant d’aller à l’école ; soit à midi à la sortie des cours chercher notre ration de pain rue d’ALGER, à la boulangerie BOTELLA.C ’était  très dur de rapporter le pain entier à la maison sans l’entamer. A l’école CAZENAVE pendant l’année scolaire 1942/43, nous avions  droit à la récréation du matin à la distribution d’un quart de lait chaud pour compenser les carences en alimentation. Il nous arrivait aussi quand nous avions quelques sous de passer au marché arabe en descendant à l’école et d’acheter des dattes compressées, délicieuses quoique mélangées avec du sable. Ces dattes arrivaient du sud dans des sac par caravanes à dos de dromadaires .Ces pauvres bêtes, après un si long trajet finissaient souvent aux abattoirs, et les bédouins retournaient chez eux en car ou en train. Nous avons mangé de cette viande qui était bonne et dont le goût se rapprochait de la viande de veau .Nous mangions aussi du cheval et de l’âne achetés à la boucherie chevaline de la rue Pélissier.

SYSTEME D :

Il manquait beaucoup de choses, aussi nous avons connu les chaussures à semelles de bois, les pneus de vélo confectionnés avec des rondelles de caoutchouc enfilées sur du fil de fer, ce qui faisait des pneus pleins très acceptables quoique inconfortables . Ma grand-mère et ma mère faisaient leur lessives dans des lessiveuses avec de la cendre de bois en guise de savon et l’eau était chauffée grâce à des fourneaux  fonctionnant à la sciure de bois que nous allions chercher à la menuiserie BELHADJ  rue TIRMAN .Le linge était très blanc  comme avec OMO. Pour nettoyer les vitres, c’étaient de l’huile de coude, de l’eau et du papier journal pour l’essuyage

ALERTES BOMBARDEMENT :

 Après l’installation des alliés à la base aérienne il y eut plusieurs bombardements  de l’aviation allemande ; les avions arrivaient de derrière la montagne et en piqué lâchaient leurs bombes  vers JOINVILLE. Avec mon frère nous montions sur le toit de notre maison pour mieux profiter du spectacle car cela ce passait dans la journée. L’aviation allemande bombardait aussi très souvent les bateaux de guerre et de commerce se trouvant dans le port d’ALGER ;nous entendions très bien les explosions des bombes et les détonations de la DCA ; pour admirer les tirs de barrage de la DCA, nous nous installions sur un mur à coté da la savonnerie Saint CHARLES  ou nous avions une vue dégagée  et le barrage d’artillerie à 50 kms de distance nous donnait l’impression d’un feu d’artifice .Le jeudi après-midi ; il nous arrivait d’aller près de la base aérienne en passant à travers champs pour admirer les avions qui nous paraissaient énormes. Un jour, nous avons trouvé une petite bombe à ailettes de 30 cms environ qui paraissait contenir un produit pâteux et nous l’avons ramené avec précautions dans notre quartier . Inutile de dire que la réaction des parents à été plutôt  violente. Un autre jour, en rentrant de l’école nous avons aperçu un bombardier en difficulté qui lâchait de la fumée et qui piquait vers le sol en direction de MONTPENSIER ; nous avons laissé les cartables à la maison, et, en courant nous sommes allés voir l’endroit de l’impact .L’avion était tombé dans un champ à la sortie de MONTPENSIER  sur la route d’ALGER ; c’était un LANCASTER ; une de ses roues énorme, avait été projetée dans un champ voisin à une centaine de mètres. l’équipage bien sur avait péri en totalité.

 

CELEBRATION DU 8 MAI 1945 :

Le jour de la célébration de la fin de la guerre est un jour mémorable non seulement pour ce qu'il représente mais aussi pour le déroulement de la cérémonie. Alors que sur la place d'armes, il y avait les autorités civiles ,religieuses, l'armée, les enfants des écoles, et énormément de monde, nous avons vu arriver, par la rue TIRMAN un cortège énorme précédé de drapeaux nationalistes algériens. Cela fut la stupeur générale, pour ne pas dire l'inquiétude. Heureusement, les autorités ont fait preuve de beaucoup de sang froid et ont fait dévier le cortège qui est remonté vers le haut de la ville. Nous sommes passés très près d'une catastrophe rétroactivement. C'était la préfiguration de ce qui hélas devait se passer le 1er Novembre 1954.