Les Orangeries par Charles Joly - Vice-Président de la Société nationale d'Horticulture et les irrigations de BLIDAH |
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Dans
un récent voyage en Algérie, deux choses m'ont beaucoup intéressé: le commerce
des oranges et des mandarines à Blidah, puis l’organisation du Syndicat établi
pour l’irrigation des territoires
cultivés. Les plus belles orangeries s’étendent au nord et à l'est de Blidah, sur plus de 400 hectares et produisent plus de 50 millions de fruits. Parmi elles se distingue celle du Tapis Vert (1), appartenant à M.Auguste François, et servant en été de lieu de réunion. |
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Pour
donner une idée de l’importance du commerce des oranges, citrons et mandarines
(voir tableau).
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Je
laisse de côté à dessein tout ce qui concerne les semis, la greffe et les soins
de culture de l’oranger. ; cela m’entraînerait trop loin. Je me
contenterai de dire qu’il a besoin, non seulement d’irrigations fréquentes
pendant la saison sèche, mais aussi d’abris faits quelquefois avec le cyprès
pyramidal, sans quoi l’on s’expose à voir les fleurs arrachées ou brûlées et
les fruits jetés à terre par les vents. Les contrées qui sont sous la même latitude, comme l’Algérie, le Texas, la Perse méridionale ont le même climat, c’est à dire des étés chauds et secs sans pluie aucune, en sorte que l’agriculture ne peut résister sans irrigation artificielle ; ces contrées ont toutes le même inconvénient, c’est à dire des vents violents qu’on nomme « Mistral » en Provence, « Siroco » en Afrique ou « Northers » au Texas. Souvent aussi les fruits qu’on trouve dans la région de l’oranger y périssent par les gelées de l’hiver, et, en été, la chaleur y est trop intense pour la culture des fruits des régions tempérées comme la pomme et la poire. A quoi attribuer cet état de choses ? Partout à la même cause, c’est à dire à la destruction des forêts, cette preuve vivante de l’imprévoyance humaine. La récolte des premières oranges à Blidah, commence du 16 au 25 octobre ; celle des mandarines, un mois après. On rencontre alors sur les routes des bandes d’arabes portant chacun une échelle et un panier en osier à forme ronde avec un crochet pour le suspendre aux branches ou aux barreaux de l’échelle. Les corbeilles qui servent au transport des fruits, du jardin au magasin, sont ovales et contiennent de 4 à 500 oranges ; elles pèsent de 50 à 60 kg une fois pleines, et elles sont, ainsi que les paniers, garnies de forte toile à l’intérieur pour préserver les fruits des meurtrissures. Les
Arabes employés à la cueillette sont payés 2 francs par jour ; les femmes
qui travaillent dans les jardins sont payées 1,5 FR ; elles ont de petits
sécateurs faits exprès et suppriment la queue du fruit en la coupant très ras
mais en ayant soin de garder l’étoile. Dans une bande de vingt cueilleurs, il y
a deux ou trois porteurs qui vont des cueilleurs à la natte en palmier où sont
versés les fruits en tas et où sont assises les coupeuses qui les mettent dans
les corbeilles ; ces femmes sont au nombre de quatre ou cinq pour vingt
cueilleurs. Au
commencement de la saison, le travail de la cueillette ne se fait pas
rapidement ; les fruits ne sont pas mûrs régulièrement et les
cueilleurs sont souvent obligés de
changer leurs échelles de place ; mais lorsque l’on « rase » une
récolte, chaque homme arrive facilement à ses 5000 fruits ; il faut alors
six à sept coupeuses habiles et un porteur pour cinq hommes suffit à peine. Le
fruit arrive au magasin transporté sur des camions à ressorts ; il est
étendu sur de la paille bien saine où il séjourne quatre à cinq jours avant
d’être trié. Les trieuses ( leur nombre est à peu prés celui des coupeuses) ont
chacune un jeu d’anneaux en fer blanc soudés ensemble et sont assises sur la
paille, ayant devant elles autant de paniers en palmier que d’anneaux, plus un
panier ou une corbeille pour les rebuts. Un porteur va vider les paniers aux
places assignées d’avance à chaque numéro. Les rebuts sans valeur marchande
sont mis à part et vendus sur place à vil prix. Le
triage, qui demande une assez grande habitude, a donc séparé les fruits par
grosseurs différentes variant du N°1 au N°6. Les numéros 1,2 et 3 sont
généralement papillotés et mis en caisses de 240, 312 ou 420 ; ce sont les
caisses de choix. Le reste, du N°4 et au-dessous, sert à faire les coffres ou
caisses de 1000. Les
fruits non papillotés sont mis en vrac dans de grandes caisses à trois
compartiments qui, une fois pleines,
pèsent de 110 à 115 kg Les
oranges sont très recherchées au commencement de la saison comme primeurs,
parce que l’orange étrangère n’a pas encore fait son apparition ; mais dès
que celles-ci arrivent sur les marchés, celles de Blidah sont délaissées parce
qu’elles sont moins avantageuses pour le marchand qui les trouve moins grosse et
les paye plus cher. Pourquoi sont-elles plus chères ? Il y a le résultat
des tarifs de transport. L’orange
de Blidah est réellement délicieuse aux mois de février, mars, avril mai ;
à ce moment, il en reste peu ici et on ne songe guère à en expédier en France. Les
Espagnols d’Oran les payent souvent sur place plus cher qu’on ne les vend à
Marseille. Après,
l’orange de Blidah, il y a l’excellente orange du Beni Salah, qui est beaucoup
plus tardive que la nôtre et qui, se trouvant mieux abritée dans les montagnes,
peut se conserver jusqu’au mois d’août. La
mandarine demande plus de soins que l’orange, et occasionne plus de frais de
main-d’œuvre, non pour la cueillette et le triage, mais pour l’emballage. On
fait aussi plusieurs numéros. Les quatre premiers sont papillotés et mis en
petites caisses : les N°1et 2 en caisses de 25 à 100, les N°5 en caisses
de 50 à 200, et les N°4 en caisses de 200 à 420. Les petites, ainsi que toutes
celles qui à cause de leurs formes défectueuses, ont été séparées des quatre premières caisses au triage, sont
mises en caisses de 1000 à 1500 et en vrac. Les mandarines de Blidah
s’expédient presque toutes à Paris, Lyon et Marseille ; mais c’est certainement le marché de Paris
qui en écoule le plus, car c’est là que non seulement les villes voisines
viennent s’approvisionner, mais que l’Angleterre, la Belgique, la Prusse, etc,
viennent faire leurs achats. Un
hectare d’orangerie donne en moyenne 120000 fruits et se paye en moyenne 1500
francs. Les
achats de récoltes se font habituellement en juin, juillet août (quelquefois on
achète à la fleur) et l’acheteur a à subir tous les aléas : brouillards
qui font couler les fruits, siroco qui les empêche de se nouer, grêle, etc..,
et plus tard, les coups de vent de novembre, décembre et janvier qui, dans
certaines années, réduisent la récolte d’un quart, d’un tiers et quelquefois de
moitié. Les fruits de choix se vendent toujours assez bien, mais les petits ont
peu de valeur. Les
soins à donner à l’orangerie occasionnant une dépense moyenne de 300 francs par
hectare, on peut compter sur 1200 francs de revenu net ; certaines
orangeries rapportent beaucoup plus. J’ai
dit que l’étendue des orangeries dans la zone de Blidah est d’environ 400
hectares. Il y en a aussi de très belles à la Chiffa, à 8 km, à Dalmatie et à
Beni-Méred, à Soumah, enfin à Boufarik, où l’on plante tous les ans ; il y
a là déjà environ 250 hectares en plein rapport. Dans certaines fermes de la
plaine de la Mitidja, il existe aussi quelques belles plantations arrosées par
des norias ou par des puits artésiens, comme à Oued El Aleng. Les
orangeries de Blidah sont très divisées ; on en trouve peu de 5 hectares
d’un seul tenant ; celles de Boufarik sont plus vastes, on y compte six
propriétaires ayant de 15 à 37 hectares arrosés, partie par les eaux de
Bou-Chemla, et le reste au moyen de norias. Le produit est évalué à 1200 francs
environ l’hectare, qui en plein rapport vaut 6000 francs. Nous
savons qu’il n’existe pas de rivières importantes dans notre colonie et
qu’aucune d’elles n’est navigable. En temps ordinaire, elles sont presque
toujours à sec, et, lorsqu’il arrive des orages, elles se transforment en
torrents. Aussi, dans plusieurs endroits, a-t-on songé à établir des barrages, dont les plus
importants sont ceux de Perrégaux et de Saint Denis du Sig. A
Blidah, les eaux de l’Oued el Kébir, après avoir été utilisées dans leurs
parcours par différents établissements industriels, arrivent au barrage du
Syndicat établi aux moulins Ricci, à l’entrée des gorges de l’Atlas. Là, elles
sont détournées dans un canal qui emprunte le flanc de la montagne sur la rive
droite, font tourner plusieurs moulins, puis, après un parcours de 1500 mètres,
arrivent au point culminant de la ville dans un bassin répartiteur où elles
sont divisées en 3 canaux principaux : 1°
Celui de Montpensier, destiné aux irrigations du village de ce nom et d’une
partie de la zone de Blidah au Nord-Est. 2°
Celui du centre, dont les eaux, après avoir passé dans les égouts de la ville
et servi à leur nettoyage, arrivent au répartiteur de l’orangerie où elles sont
subdivisées en trois canaux vers le Nord ; 3°
Celui de l’Ouest, alimentant le village de Joinville, l’abreuvoir militaire,
etc… Ces
canaux ont une longueur totale de 50000 mètres ; ils sont marqués sur un
plan. Les deux premiers sont en maçonnerie avec une section intérieure de 1
mètre sur 0,90 de hauteur. Les autres sont en béton avec forme
trapézoïdale : leur section est de 0,60 m à l’ouverture et de 0,30 m au
fond sur une hauteur de 0,35m. Sur
le parcours des canaux d’irrigation sont placés des vannes de prise en tête de
chaque propriété particulière. Chaque canal reçoit au répartiteur le volume
d’eau calculé d’après la superficie qu’il a à arroser, à raison de 480 mètres
cubes pour les orangeries et 430 pour les jardins maraîchers par hectare et par
semaine ; des déversoirs, dont la largeur est calculée d’après ce
principe, transmettent à chaque canal la quote-part qui lui revient. Il est
bien entendu que le volume attribué à chaque propriétaire varie quelquefois, suivant
l’abondance des eaux ; mais ces dernières sont toujours distribuées en
égale proportion : les frais sont de 30 à 40 francs par hectare. On
compte cinq propriétaires seulement ayant de 10 à 15 hectares, et trente ayant
de 2 à 5 hectares : le reste n’a
que de 1 à 2 hectares. La commune de Blida, le génie militaire, les ponts et
chaussées, la voirie départementale font aussi partie de l’association pour
leur service d’arrosage. Charles
Joly - Vice-Président de la Société nationale d'Horticulture (1) L'orangerie du Tapis Vert appartenant à Mr Auguste François servait en été de lieu de réunion. Le local des trieuses d'oranges devint plus tard le siège social de la société "Les Amis Réunis". Concert et bals y étaient donnés. il servaitaussi de lieu de réception des personnalités politiques (Visite du président Loubet en avril 1903). Il accueillait aussi les meetings des campagnes électorales ainsi que les conseils de révision. En face se trouvait le "Petit Robinson". Lire aussi les récit du Commandant Rocas sur La piscine et Le Petit Robinson. |